Au pays de la nation Arc-en-ciel, l’instabilité politique engendrée par l'entêtement de Zuma à vouloir prendre le contrôle des Finances engendre un incertitude économique. C'est en tout cas l'avis du journal américain en ligne Quartz dans un article au titre explicite: "The economic promise of post-apartheid South Africa is fading", c'est-à-dire que "la promesse économique du l'Afrique du Sud post-apartheid s'évanouit".
Pour l'auteur de l'article, le futur économique de l'Afrique du Sud est morne, voire incertain, à cause du chaos politique. Jamais depuis le limogeage de Nhlanhla Nene, en décembre 2015, le pays n'a traversé une période aussi trouble du point de vue des agences de notation. Nene, qui était ministre des Finances, juste après Pravin Gordhan, avait été remplacé par David Van Rooyen qui n'aura duré qu'une semaine au poste. C'est alors que Pravin Gordhan a repris le poste pour y rester près de 16 mois. Mais Gordhan a été démis de ses fonctions depuis le 31 mars.
Standard & Poor's et Fitch Ratings baissent la note
Gordhan était le dernier rempart qui empêchait encore les agences de rating de sévir. Dès le 3 avril, la dégradation que tout le monde redoutait tomba: Standard & Poor's n'a pas attendu bien longtemps. Et quatre jours plus tard, c'est au tour de Fitch Ratings de revoir la note et les perspectives de l'économie sud-africaine. Désormais, chez l'un comme chez l'autre, en matière de dette, l'Afrique du Sud n'est plus classée parmi les pays à investissements sûrs. Avec la note BB+ de S&P, on est passé au sub-investment grade qui rime avec les valeurs financières indésirables.
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Dans le monde de la finance, la note et les perspectives qui lui sont associées sont synonymes de taux d'intérêt. En effet, elles résument, à elles seules, le risque inhérent à la solvabilité de l'Etat. Par conséquent, l'Afrique du Sud est amenée désormais à emprunter à des taux plus élevés qu'auparavant, si tant est que les partenaires financiers consentent encore à lui faire crédit. Tout cela à cause de l'entêtement de Zuma à rester au pouvoir et à accaparer le ministère des Finances.
Les ménages vont trinquer, la bourse a déjà réagi
Cette note aura également des implication sur les ménages sud-africains, prévient Quartz. On peut prendre l'exemple d'un ménage de la classe moyenne dont le revenu est autour de 100.000 rands (7200 dollars) et qui souhaite acheter une villa à 3 millions de rands (219.000 dollars). Pour un crédit au taux de 10,5% sur vingt ans, le ménage supporte une mensualité de 30.000 rands (2190 dollars). Mais, avec les changements des agences de notation, si le taux d'intérêt passe à 11,5%, la mensualité sera de 32.000 rands. Par conséquent, le revenu minimum pour bénéficier d'un tel crédit augmente. Pour revenir à l'Afrique du Sud, les banques seront désormais beaucoup plus regardantes.
Le FTSE/JSE Africa Banks index, qui est l'indice de référence des banques africaines dominées par l'Afrique du Sud est d'ailleurs passé de 8000 points à quelque 6847 points, entre le 3 et le 7 avril, soit un recul de 14,42%. C'est dire que les places financières n'ont pas attendu pour sanctionner l'Afrique du Sud. C'est dire que, soudainement, le capital des banques sud-africaines a perdu près de 15% de sa valeur boursière en seulement 4 jours.
Graph. FTSE/JSE Africa Banks index
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Le Sud-africain ordinaire commencera à sentir les conséquences de la baisse de la note souveraine dans les trois mois à venir, quand les prix du carburant et des biens importés commenceront à grimper. Evidemment, la Banque centrale sud-africaine n'a pas encore augmenté ses taux d'intérêt, mais cela ne saura tarder dès les premiers signes d'inflation.
Ce n'est pas la première fois
L'Afrique du Sud a déjà connu une situation similaire. De 1994 à 2001, la note du pays était estampillée "indésirable" quand le rand était dans une sévère crise. En 1998, la prime de risque appliquée par les banques dans le pays avait atteint 24% ce qui est le double du taux actuel. A l'époque, la crise économique n'avait pas pour origine l'instabilité politique, mais à la volatilité du taux de change et aux conséquences de la pandémie du Sida. Les mauvaises décisions budgétaires et monétaires de l'époque y étaient pour beaucoup.
A l'époque de Thabo Mbeki, qui était déjà vice-président pendant la première crise, la politique budgétaire saine de l'Afrique du Sud a été plébiscitée contribuant, ainsi à éliminer les effets à long terme de la crise monétaire. La banque centrale a, pour sa part, appris la leçon: son intervention dans la première crise avait empêché la reprise, ce qui a conduit à une politique moins interventionniste, qui est encore en place aujourd'hui.
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Dans le même camp que la Grèce et le Portugal
Néanmoins, l'avantage de l'Afrique du Sud c'est que sa dette publique est majoritairement domestique. Seuls 9% sont détenus par les marchés internationaux et 3% forment la dette hors-marché des capitaux. C'est dire que 88% sont de la dette intérieure détenue par les banques, les gestionnaires de fonds, les entreprises et les particuliers sud-africains.
Avec ses nouvelles notes souveraines, l'Afrique du Sud se retrouve dans le camp des pays comme la Grèce, le Portugal, Chypre, etc. Mais les autorités sud-africaines, notamment l'actuel ministre des Finances, Malusi Gigaba, préfèrent rester optimistes et parler de "chance pour redynamiser l'économie, devenue moribonde à cause de la chute des matières premières.