CEDEAO: réunion au sommet pour accélérer le projet de monnaie unique

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Le 25/10/2017 à 14h49, mis à jour le 25/10/2017 à 14h51

Trente ans après le lancement du projet de monnaie unique de la CEDEAO, censée remplacer les monnaies en circulation dans la région, c’est presque le statut quo. Cinq chefs d’État ont tenté de relancer le projet à Niamey. Mais les positions divergent.

Cinq chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont retrouvés le 24 octobre à Niamey pour relancer le projet de monnaie unique sous-régionale. Faure Gnassingbé (Togo), Nana Akufo-Ado (Ghana), Muhammadou Buhari (Nigéria), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Mahmadou Issoufou (Niger) ont ainsi échangé sur les stratégies à mettre en place pour accélérer le processus de mise en place d’une monnaie unique.

La 4e réunion de la Task Force présidentielle a permis aux cinq chefs d’Etat d’échanger

Pour rappel, les pays de la région sont engagés depuis bientôt trois décennies sur ce projet de monnaie. Une monnaie que le Royaume du Maroc s’est engagée à rejoindre une fois son adhésion à la CEDEAO entérinée.

Reste que si la CEDEAO est l’un des regroupements régionaux les mieux intégrés du continent, il n’en demeure pas moins que le processus affiche un retard notable.

Après plusieurs reports, il était question de lancer cette monnaie unique en 2020. Pour cela, les présidents du Niger et du Ghana avaient été mandatés en 2013 pour coordonner le processus et une équipe dédiée a été mise en place en 2014 pour mener le projet à terme.

Mais les avancées ont été faibles. Dernièrement, Marcel De Souza, président de la Commission de la CEDEAO, avait déclaré qu’il faudrait 7 à 10 ans pour que le projet de monnaie unique puisse devenir réalité. En cause, l’absence de résultats tangibles sur la période 2012-2016. Aucun pays «n’a pu respecter de manière continue les critères de premier ordre du programme de convergence macro-économique».

Ces critères de convergence visent à renforcer l’homogénéité et la stabilité des principaux indicateurs macroéconomiques des pays. Ils ont trait à la politique monétaire (la variable de taux de change et taux d’intérêt directeurs), à la convergence des taux d’inflation et des politiques budgétaires (niveau du déficit budgétaire notamment), aux réserves extérieures brutes, etc. Autant de critères nécessaires pour pouvoir mener une politique monétaire efficace au niveau régional.

La difficulté pour faire converger les économies de la région réside, en partie, au fait que si 8 pays de la région partagent une monnaie unique, le Franc CFA, les 7 autres ont des monnaies différentes: escudo du Cap-Vert, dalasi de la Gambie, cédi du Ghana, franc guinéen de la Guinée, dollar libérien du Liberia, naira du Nigeria et leone du Sierra Leone. Ce qui fait qu’il existe une multitude de politiques monétaires au niveau de la région.

Or, sans cette harmonisation des politiques marcoéconomique et monétaire, il est impossible de lancer la monnaie unique en 2020. En plus, la non réalisation d’une Banque centrale commune fait qu’il est impossible d’envisager une monnaie unique dans un horizon de 3 à 4 ans. 

Reste que pour le président nigérien, après moult reports, «il faut aborder la question de la monnaie unique de la CEDEAO avec réalisme et responsabilité», arguant que «les remises en question répétitives des dates, même justifiées, peuvent développer une lassitude et surtout installer un scepticisme dans l’esprit de nos concitoyens».

Partant, il prône d’aller rapidement vers la monnaie unique, ne serait-ce qu’en commençant par la zone UEMOA, qui regroupe des pays partageant le Franc CFA et qui ont des politiques monétaires relativement harmonisées. Les autres pays pourront par la suite intégrer cet ensemble au fur et mesure qu’ils arrivent à satisfaire les critères de convergence mis en place, comme ce fut le cas avec la monnaie unique européenne. Ainsi, pour Mahmadou Issoufou, la «circulation à partir de 2020» de la monnaie unique de la CEDEAO doit être maintenue.

Les présidents du Niger, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire sont d’accord pour accélérer le processus de la mise en place d’une monnaie unique. 

Toutefois, cet avis n’est pas partagé par le président nigérian Muhammadu Buhari, dont le pays dispose de sa propre monnaie (naira) et qui devrait abriter la future Banque centrale de la CEDEAO. Le président nigérian, dont le pays pèse environ 75% du PIB de la CEDEAO, appelle à «davantage de prudence», et donc à repousser la date d’entrée de la monnaie unique au-delà de 2020.

«Le Nigeria mettra en garde contre toute position qui plaide pour une approche accélérée de l’union monétaire, négligeant les fondamentaux et d’autres questions pertinente», a souligné Buhari. 

Cette prudence est d’autant plus nécessaire que les pays de la région ne sont pas d’accord sur la nature de la monnaie de la région. Certains souhaitent élargir le Franc CFA à l’ensemble de l’espace de la CEDEAO tandis que d’autres souhaitent définitivement couper le cordon ombilical avec l’ancienne puissance coloniale, la France.

Une chose est toutefois certaine, les pays de la région souhaitent dorénavant accélérer le processus de convergence nécessaire à la mise en lace de la monnaie unique. Ils ont ainsi décidé de chacun mettre en place un Comité d’experts dont l’objectif est de les assister dans la conduite de ce projet. De même, les chefs d’État ont décidé de se réunir de manière alternée au Niger et au Ghana afin de constater l’état d’avancement du programme.

Enfin, il faut souligner que la CEDEAO regroupe un marché de 15 États totalisant 300 millions de consommateurs. Un marché relativement intégré de 15 pays que le Maroc compte rejoindre lors de la prochaine réunion des chefs d’État prévue en décembre prochain.

Par Moussa Diop
Le 25/10/2017 à 14h49, mis à jour le 25/10/2017 à 14h51