Nigeria: le paradoxe du premier producteur et exportateur de pétrole africain sans carburants ni électricité

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Le 31/03/2022 à 11h58, mis à jour le 31/03/2022 à 12h02

Le Nigeria, premier producteur et exportateur de pétrole d’Afrique, est sans carburants ni électricité depuis des semaines. Une situation qui plombe la première économie africaine dont les entreprises dépendent des générateurs à essence faute d'électricité.

La première puissance économique du continent africain est sans électricité et carburant! Une situation inédite surtout pour un pays qui occupe le premier rang en tant que producteur de pétrole d’Afrique. Un paradoxe qui en dit long sur la gouvernance de ce géant africain avec une population de plus de 220 millions d’habitants.

Comment expliquer une telle situation pour un pays qui affiche le PIB le plus élevé d’Afrique et qui est, de surcroit, le premier producteur africain de pétrole (1,27 million de barils par jour en 2021) et dispose des secondes réserves d’or noir du continent (36,9 milliards de barils), derrière la Libye?

D’abord, il faut souligner que le Nigeria ne raffine pas son pétrole. Le pays exporte la totalité de son pétrole sous forme brut et importe la quasi-totalité de ses besoins en carburants d’Europe. 

Conséquence, avec la forte hausse des cours du baril de pétrole, la facture a explosé et les importations de carburants sont devenues problématiques sachant qu’en 2021, malgré un cours de baril relativement moyen, la facture des importations de carburants s’est établie à 9,6 milliards de dollars, soit environ 20% des importations totales du pays qui se sont établies à hauteur de 50 milliards de dollars.

Ainsi, c’est la panne sèche dans les stations de service nigérianes. Cela se traduit dans les grandes métropoles du pays, comme Lagos et ses plus de 20 millions d’habitants, par des files de voitures à sec garées devant les stations de services donnant une idée sur l’ampleur des pénuries.

Pour les autorités, c’est le retrait de 100 millions de litres d’essence contaminés importés qui serait à l’origine des pénuries et du chaos dans la distribution de carburants dans le pays. L’autre explication avancée est le retard des cargos transportant du carburant à cause de la crise en Ukraine. D'autres avancent aussi que la forte hausse des carburants sur le marché mondial a chamboulé les calculs des autorités. 

Partant, à cause des pénuries, les prix des carburants flambent dans le pays. Ainsi, le prix du litre du gasoil est passé de 350 nairas avant la crise à 545 nairas et a même frôlé les 800 nairas. A Abuja, la capitale du pays, le litre est vendu entre 440 et 460 nairas, sachant que le Nigeria figure parmi les pays où le carburant est le moins cher au monde. En effet, le litre d’essence subventionné par l’Etat est fixé à 165 nairas, soit 0,35 euro. Certains trafiquants s'approvisionnent chez les pays voisins -Bénin, Cameroun, Niger et Tchad- pour le revendre à prix élevé.

Parallèlement, le Nigeria n'ayant pas investi dans la production d'électricité, avec une capacité électrique installée de 13.000 MW avec une capacité réellement disponible sur le réseau électrique de seulement 6.000 MW, les entreprises et les citoyens recourent aux générateurs électriques pour disposer d'électricité.

Seulement, avec la crise du carburant, qui dure depuis plusieurs semaines, les générateurs sont à sec, au même titre que les stations de service. En conséquence, de nombreuses petites entreprises sont à l’arrêt faute de carburant pour faire fonctionner leurs générateurs. Idem pour les nombreuses villas et immeubles qui fonctionnent grâce aux générateurs fonctionnant au gasoil.

Du coup, la pénurie de carburant a accentué le déficit en électricité dans le pays, plongeant une partie du pays dans le noir. Faiblement électrifié, avec un taux d’électrification théorique se situant à hauteur de 53%, le pays est ainsi au bord d’un black-out.

Bref, avec la pénurie de carburant et d'électricité, le pays se trouve au bord de l’arrêt. Pourtant, la Compagnie nationale des hydrocarbures (Nigerian national petroleum corporation, NNPC) dispose de 4 raffineries de pétrole et le pays continue d'exporter du pétrole brut. Seulement, faute d'entretien et à cause de la corruption qui gangrenne le pays, toutes les unités de raffinage sont à l’arrêt. De ce fait, le pays importe la quasi-totalité de ses besoins en carburants.

Toutefois, la situation devrait bientôt changer. En effet, l’homme d’affaires nigérian, Aliko Dangote, le plus riche d’Afrique, avec une fortune estimée à plus de 14 milliards de dollars, construit actuellement une très grande raffinerie de pétrole dans le pays. D’une capacité de raffinage de 650.000 barils par jour, ce sera la 6ème plus grande raffinerie au monde et la plus grande d’Afrique. Cette raffinerie de 15 milliards de dollars d’investissement permettra au pays de satisfaire sa demande en carburant et de devenir exportateur de carburants.

Outre l’économie en devises du pays qui varie selon le niveau du cours du baril de pétrole (la facture des importations des carburants ayant atteint 9,6 milliards de dollars en 2021), cette raffinerie permettra même des rentrées de devises grâce aux exportations des produits de la raffinerie au niveau des pays de la région.

Par Moussa Diop
Le 31/03/2022 à 11h58, mis à jour le 31/03/2022 à 12h02