Afrique du Sud: Zuma et la décadence de l'héritage Mandela

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Le 11/01/2017 à 12h59, mis à jour le 11/01/2017 à 14h28

L'héritage des pères fondateurs de l'Afrique du Sud post-apartheid a été sacrifié par le président sud-africain Zuma. C'est ce qu'affirment analystes, hommes d'affaires et prescripteurs d'opinions sud-africains.

Nombreux sont les analystes qui estiment que le pays de Nelson Mandela a perdu, durant les dernières années, beaucoup de son aura et de son capital de sympathie, notamment en raison de la politique de l’élite au pouvoir.

Sipho Pityana, homme d’affaires et philanthrope sud-africain, a pertinemment décrit cette déchéance qui rompt avec le rêve des leaders de la lutte contre l’apartheid et l’injustice que ce régime de ségrégation raciale représentait.

Pour ce leader de «Save SA», un collectif d’ONG qui œuvre pour la défense des valeurs de démocratie dans le pays arc-en-ciel, l’Afrique du sud s’est inscrite, durant les dernières années, dans une diplomatie déloyale, propageant l’impunité des crimes de guerre et des violations graves des droits de l’Homme.

«En tant que nation qui jouissait d’une autorité morale, l’Afrique du sud a désormais perdu toute crédibilité, une situation qui risque d’avoir des conséquences désastreuses dans l’avenir», indique Pityana dont les propos ont été relayés par les médias sud-africains.

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Rappelant le soutien apporté par l’Afrique du sud à des entités et des personnes connues pour leurs violations graves des droits de l’homme, le philanthrope sud-africain s’est interrogé si ce pays peut toujours réclamer le statut de défenseur de l’internationalisme.

L’homme d’affaires, qui a mis en avant les interventions malencontreuses de l’Afrique du sud dans plusieurs foyers de tension en Afrique, a pointé du doigt le soutien apporté par le gouvernement du Congrès national africain (ANC) au régime autoritaire de Robert Mugabe au Zimbabwe.

Il s’est interrogé au passage au sujet du silence de Pretoria face à ce qu’il a qualifié de «règne de terreur et de violations des droits de l’homme» dans ce pays.

«Nous nous efforçons de projeter une image d’un pays œuvrant pour un monde meilleur, au moment où notre voisin (Robert Mugabe) a plongé, sous notre regard, tout un pays dans un donjon de misère et de répression», martèle-t-il.

De nombreux Sud-Africains se sentent trahis par la direction d’un pays, jadis une source d’espoir, qui tourne le dos aux valeurs fondamentales de ses pères fondateurs, poursuit Pityana.

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Il a cité, dans ce contexte, la mauvaise gestion des violences xénophobes dans le pays et le traitement souvent injuste et inhumain des immigrés dans le pays décrit comme la nation arc-en-ciel, en référence aux valeurs de cohabitation et de tolérance prônées par Nelson Mandela et ses compagnons au début de l’ère de la liberté.

L’analyse du philanthrope sud-africain rejoint celle de Liesl Low-Vaudran, grande spécialiste des questions africaines et auteure d’un récent ouvrage: «L’Afrique du sud, superpuissance ou néocolonialiste?», consacré à la politique africaine de Pretoria.

Mme Low-Vaudran, dont l’ouvrage dresse le portait d’une Afrique du sud dont l’influence est en déclin, estime que les Sud-Africains «arrivent souvent en Afrique avec une arrogance et une ignorance des situations politiques, ce qui explique les mauvaises réactions rencontrées par le pays sur le continent».

Cette situation s’est aggravée avec la violence xénophobe contre les Africains (2008 et 2015) résidant en Afrique du sud, poursuit la chercheuse, soulignant que beaucoup d’Africains vivent une situation très difficile en Afrique du sud, où ils sont souvent harcelés par la police, même lorsqu’ils sont en situation régulière.

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L’Afrique du sud, surtout sous l’actuel président Jacob Zuma, a déçu les pays africains qui s’attendaient à ce que Pretoria repaye sa dette envers les pays africains pour leur soutien durant la lutte contre l’apartheid, indique-t-elle.

D’après la chercheuse, l’Afrique du sud ne jouit plus du leadership des années 1990 en raison de plusieurs facteurs dont la crise politique et l’affaiblissement du parti au pouvoir.

L’Afrique du sud se focalise donc beaucoup plus sur ses problèmes internes, une situation qui devra accentuer l’isolement d’un pays qui n’a, au fait, jamais réussi une intégration fluide et sereine dans l’espace panafricain, estime-t-elle.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 11/01/2017 à 12h59, mis à jour le 11/01/2017 à 14h28