Vidéo. CEDEAO: au secours, les parlementaires atteints de Macronite !

Emmanuel Macron a fait un choix de vie que beaucoup de ruraux africains auront du mal à comprendre, puisque serait synonyme d'extrême pauvreté durant leurs vieux jours.

Emmanuel Macron a fait un choix de vie que beaucoup de ruraux africains auront du mal à comprendre, puisque serait synonyme d'extrême pauvreté durant leurs vieux jours. . DR

Le 24/07/2017 à 19h02, mis à jour le 25/07/2017 à 09h42

VidéoCe week-end, les propos des Parlementaires de la CEDEAO sont venus apporter de l'eau au moulin d'Emmanuel Macron concernant la démographie africaine. Les premiers, comme le second, ont fait preuve d'irresponsabilité et de manque de perspicacité. L'agriculteur africain est plus rationnel que cela.

Les Ouest-africains ont eu droit à une déclaration malheureuse et malvenue des parlementaires honorifiques de la CEDEAO, souhaitant fixer la fécondité à 3 enfants par femme, dans un contexte où un vif débat est engagé sur la démographie du continent. Déclaration malheureuse, non pas parce qu'elle va dans le même sens que celle d'Emmanuel Macron le 8 juillet dernier lors du sommet du G20 à Berlin.

Mais parce que, la légèreté avec laquelle les uns et les autres abordent un sujet aussi sérieux, en déconcerte plus d'un. D'abord le président français ignorait de quoi il parlait en affirmant que "le problème de l'Afrique est avant tout civilisationnel". Ajoutant que "quand vous avez 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez investir des milliards, vous ne stabiliserez rien". 

30 glorieuses et baby boom

Macron ne peut pas citer une seule étude étayant sa malheureuse assertion. Car, c'est juste du "bonapartisme surjoué" (l'expression est de Mélenchon) que de reprendre des ragots par paternalisme, là où il faut une analyse juste. Quant aux parlementaires qui se sont immiscés dans ce débat, ils ne font qu'apporter de l'eau au moulin de Macron avec la même désinvolture, sans s'appuyer sur un raisonnement scientifique et oubliant que durant les trente glorieuses, entre 1945 et 1975, le baby-boom a été le principal moteur de la croissance. C'est vrai que c'était l'heure de la reconstruction, mais l'Afrique a besoin exactement de la même politique pour son développement.

Il faut savoir que dans les milieux ruraux africains, la solidarité inter-générationnelle est indispensable aux personnes du troisième âge. La vérité c'est que ni le président français, ni les parlementaires de la CEDEAO, ne sont plus soucieux que les populations concernées par cette démographie. Ces dernières sont des agents économiques rationnels qui sont conscients de la bonne gestion et du renouvellement des facteurs de production.

Agent économique rationnel

Or, outre la terre, le principal facteur de production qui entre en jeu est le travail, donc la main-d'oeuvre dont il faut disposer à suffisance. En Afrique, le nombre de tracteurs ne dépasse pas 550.000, selon FAOstat, et c'est un nombre stable depuis 1990. "A titre d’illustration, l’Inde qui possédait moins de tracteur que le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie individuellement en 1960, disposait de 100 fois plus de tracteurs en usage que les trois pays réunis en 2005", note-t-on dans le mémoire de fin d'étude de Claude Stéphane Side, étudiant en SupAgro. 

On peut voir d'ici des millions d'agriculteurs africains sourire à la réflexion malvenue de Macron, l'invitant à prendre une houe, tracter un semoir derrière un âne, un bœuf ou un cheval, pour savoir' combien il est crucial d'avoir de la main-d'oeuvre suffisante durant les trois mois de pluies. Ceux qui auront appris que son choix de vie est d'avoir épousé une femme avec laquelle il n'espère ni ne compte avoir d'enfants se contenteront de dire qu'un débat est bien inutile avec Macron. Car, tout agriculteur africain qui s'aventurerait vers un tel choix serait assuré de terminer ses jours dans l'extrême pauvreté. 

S'il leur faut une preuve supplémentaire que le nombre d'enfants est synonyme de rationalité économique en Afrique rurale, il suffit au président français et aux parlementaires africains de voir l'écart important existant entre les villes et les villages du continent concernant les indicateurs démographiques. Par exemple, en Ethiopie et en Ouganda, la différence de fécondité entre milieu rural et milieu urbain est de 3 enfants par femme. C'est parce qu'en milieu urbain, il y a un changement de paradigme. L'éducation doit être assurée jusqu'à un certain âge pour espérer garantir l'avenir des jeunes générations, et donc continuer à assurer cette fameuse solidarité inter-générationnelle. 

Perfide mensonge

Par ailleurs, la réalité est bien différente de la situation caricaturale décrite par les uns et les autres. D'abord, le taux de fécondité en Afrique est de 4,7 enfants par femme et non de 8 ou 7. En Afrique du Nord, il n'est que de 3,4 contre 5 en Afrique subsaharienne.

De plus, il faut noter que la règle de calcul retenue n'a pas une grande signification si le taux de mortalité infantile reste élevé entre 1 et 5 ans. En effet, le taux de fécondité est calculé uniquement sur la base des enfants de moins d'un an par rapport aux femmes en âge de procréer, entre 15 et 50 ans. Tout le monde sait qu'en Afrique la chance d'un enfant d'arriver à l'âge adulte est nettement inférieure par rapport à ceux du reste du monde en général et de l'Europe en particulier. 

C'est pourquoi, avant d'évoquer "un problème d'ordre civilisationnel", il fallait d'abord corriger les chiffres de Macron d'au moins deux à trois enfants par femme.

Ensuite, il conviendrait d'aller plus en profondeur sur les chances de survie. Cela pour faire preuve de bonne foi, bien qu'il faille douter que ce n'est pas le premier objectif de Macron. 

Parler plutôt de croissance démographique

L'émotion suscitée par les propos du chef de l'Etat français a fait oublier qu'en matière d'augmentation de la population, l'indicateur le plus pertinent est celui de la croissance démographique, surtout quand il s'agit de savoir quel est l'impact dans le développement d'une nation. Il n'est pas besoin de rappeler les théories de Thomas Robert Malthus sur ce sujet et dire que si la croissance du PIB est inférieure à celle de la population, chaque citoyen s'appauvrit théoriquement. 

Il est vrai, ce taux de croissance démographique est de 2,7% par an depuis près d'un demi siècle. Le nier serait tomber dans le travers inverse, car tenir coûte que coûte à démentir de tels propos pousserait à la même irresponsabilité. Si l'Afrique pouvait pendant cette période s'assurer une progression de 7 à 10% de la richesse créée annuellement, nul ne trouverait à redire. Il se trouve que c'est loin d'être le cas, puisque la moyenne de la croissance du PIB du continent ne dépasse pas 3 à 4%. Surtout que cette croissance est peu inclusive, ce qui fait qu'elle nourrit les inégalités plutôt qu'elle contribue à réduire la pauvreté. 

Néanmoins, au-delà de ces considérations, force est de constater qu'un chef d'Etat d'un pays vieillissant devait y réfléchir longuement avant de donner des conseils de limitation des naissances. La France est en train de payer cher ce choix de société. 

La France n'est pas un exemple

Macron est à la tête d'un pays dont le PIB annuel est de 2114 milliards d'euros, soit 2465 milliards de dollars, mais qui ne parvient à trouver aucun équilibre. Un pays comme le Sénégal, qui n'a qu'un PIB de 14,77 milliards de dollars, doit naturellement et raisonnablement lui envier cette richesse créée annuellement. Si la limitation des naissances pouvait sauver un État, ce serait sans doute la France qui serait la première, puisque le taux de fécondité n'y est que 1,8 enfant par femme depuis 1976.

Pourtant, malgré cette apparente richesse, parce qu'elle ne renouvelle pas les générations, chaque année, la Sécurité sociale française affiche un déficit abyssal variant entre 23,9 milliards et 8,7 milliards d'euros, depuis une dizaine d'années. Le cumul du passif géré par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a atteint 140 milliards d'euros et ne cesse de s'alourdir. Or, ce que Macron ne dit pas aux parlementaires de la CEDEAO qui veulent se faire avocats du diable, c'est que le déséquilibre de la sécurité sociale n'a qu'une seule origine, à savoir le déficit des naissances et son corolaire qui est le vieillissement de la population. 

Dailleurs, l'Allemagne qui a une démographie à tout point similaire à celle de la France l'a bien compris. C'est pourquoi, il y a deux ans, le gouvernement Merkel a préféré ouvrir ses frontières aux réfugiés pour en accueillir 1,1 million. Ce n'était pas de la philanthropie. Cette jeune population est un bol d'air dont le pays a besoin pour limiter l'impact de la vieillesse de sa population, notamment sur les retraites dans les années à venir. 

35% de vieux de plus 60 ans en 2040

Aujourd'hui, la retraite seule coûte à la France 14% de son produit intérieur brut, alors que le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait passer de 22% actuellement à plus de 35% en 2040. Le poids des retraites est tel que la France ne cesse de réformer et d'introduire des règles nouvelles sans jamais réussir à trouver la bonne recette. 

Les pays subissant le vieillissement de leur population sont nombreux et sont confrontés exactement aux mêmes difficultés. Qu'il s'agisse du Japon, de l'Allemagne, du Canada, de la Grande Bretagne, l'équation est la même et est quasi insoluble pour la bonne et simple raison qu'à partir d'un certain âge, une personne finit forcément par être à la charge de la société. 

Kwassa-kwassa libidinal

Tout cela fait qu'il n'est guère besoin de recourir à la limitation des naissances de manière formelle. Le développement de la productivité de l'agriculture et l'urbanisation s'en chargeront. Quand les agriculteurs disposeront de suffisamment de tracteurs et d'engrais, et pourront enfin être des entrepreneurs capables de recruter au lieu de compter sur leurs progénitures, Macron n'aura plus besoin de s'ériger en donneur de leçons. Sauf si son arrogance et son impolitesse verbale lui permettaient de satisfaire une libido frustrée, comme il l'a déjà fait en parlant de kwassa-kwassa comoriens. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 24/07/2017 à 19h02, mis à jour le 25/07/2017 à 09h42