Rétro 2017: Afrique du Sud, une année rythmée par les scandales de Zuma

Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud.

Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud. . DR

Le 30/12/2017 à 09h54, mis à jour le 30/12/2017 à 11h46

A l’image de toute sa carrière politique, l’année 2017 a été marquée par les mille et un scandales du président sud-africain, Zuma. Mais malgré une réputation ternie par de nombreux «affaires» de corruption, il échappe encore à la justice.

Le 16 décembre 2017, Jacob Zuma quittait la tête de l’African national Congres (ANC), le parti au pouvoir depuis 1994, qu’il a dirigé durant 10 ans. Et dont il a déploré le déclin et les divisions en soulignant: «Notre échec à régler les problèmes a commencé à peser sur notre mouvement». Et d’ajouter: «notre peuple est frustré quand nous perdons du temps à nous quereller entre nous plutôt que de résoudre les défis quotidiens auxquels il est confronté».

Ce que ne dit pas toutefois Jacob Zuma, c’est que si le peuple est frustré, c’est en grande partie à cause de son héritage désastreux et surtout de ses scandales qui ont jalonné toute l’année 2017, et bien avant (viol, corruption, etc.…).

D’abord, le scandale de la résidence privée du président à Nkandla, dans le pays zoulou, remis à neuf pour 20 millions d’euros sur le dos du contribuable, et pour lequel Zuma a été obligé de rembourser près de 500.000 euros à l’Etat sud-africain pour abus, a été le premier à le secouer au début de l’année. Et même s’il a remboursé une minime partie de la somme dépensée, le problème est loin d’être clos. En effet, ce vendredi 29 décembre 2017, le plus haut tribunal d’Afrique du Sud a reproché au parlement de ne pas avoir demandé des comptes au président Jacob Zuma sur ce scandale. Un jugement qui pourrait déboucher sur une procédure de destitution.

Par la suite, c’est le scandale des Guptaleaks, ainsi qualifié comme étant le plus grand scandale de l’Afrique du Sud postapartheid qui a éclaboussé le président. En une décennie, les frères Gupta (Atul, Ajay et Rajesh), appartenant à une puissante famille sud-africaine d’origine indienne, ont réussi le tour de force de s’offrir le président Zuma, la moitié de son gouvernement et une demi-douzaine des dirigeants des grandes sociétés d’Etat et des principaux responsables des services de sécurité. Leur objectif fondamental étant de mettre la main sur le juteux marché des contrats d’Etat.

L’élection de Zuma à la présidence sud-africaine en 2009 a été le jackpot pour la fratrie indienne. Celle-ci va faire fructifier son business à coup de prébendes, pressions et autres moyens pour étendre ses tentacules dans toute l’économie sud-africaine: mines, médias, rail, ports, pipelines, énergie, etc. Arrivés en 1993 en Afrique du Sud, les Gupta pesaient en 2016 plus de 6,6 milliards d’euros.

Mieux, ce sont désormais eux qui nomment les responsables de différents départements stratégiques, comme l’a révélé une partie des 200.000 courriels échangés entre le clan du président Zuma et la puissante et richissime famille d’origine indienne des Gupta.

Seulement, à force de pousser davantage le bouchon, le scandale éclate.

Face au tollé, les Gupta préfèrent plier bagages en entamant la vente de leurs actifs en Afrique du Sud, conscients qu’ils sont honnis au niveau du pays de Mandela et que la chute de leur protecteur peut leur coûter cher.

Autre gaffe, le limogeage du ministre des Finances, Pravin Gordham, qui s’opposait à Zuma au nom de la transparence de la gestion des deniers publics. Une décision très critiquée et qui a provoqué la colère des militants de l’ANC et la désapprobation des marchés financiers, entraînant la dégradation de la note souveraine sud-africaine et la dépréciation de la monnaie du pays, le rand, et enfonçant davantage le pays dans la crise.

Et comme cela ne suffisait pas, le journaliste Jacques Pauw a sorti un livre à charge contre la présidence Zuma: «The president’s keepers» («Les gardiens du président») qui dépeint un sombre tableau accusant le gouvernement et certains services de l’Etat de corruption, d’incompétence et de népotisme. Dans ce livre, l’auteur a démontré comment d’importantes sommes d’argent public ont été transférées sur les comptes bancaires de faux espions. Les services secrets sud-africains ont tenté de bloquer la sortie du livre. L’auteur explique qu’il a juste révélé «une orgie de dépravation et de corruption, et si on essaye de stopper la publication de ce livre, ce sera parce qu’ils ne veulent pas que vous soyez au courant». Le tout naturellement chapeauté par le président Zuma. Les services secrets sud-africains vont tenter en vain d’étouffer la sortie du livre.

Et pour ne rien arranger, la justice sud-africaine a infligé à Zuma un revers en lui ordonnant de mettre en place, dans un délai d’un mois, une commission d’enquête sur la corruption à la tête de l’Etat. La Haute cour de Pretoria a donné tort au chef de l’Etat, estimant qu’il avait fait preuve d’une «grave imprudence» en réclamant l’annulation du rapport de l’ex-médiatrice de la République, Thuli Mandosela, qui réclamait une commission d’enquête pour jeter la lumière sur les implications de la famille des Gupta dans la gestion des affaires de l’Etat sud-africain, de la nomination de ministres et autres fonctionnaires pour obtenir des contrats publics.

Le juge a même souligné que le comportement de Zuma «n’est pas à la hauteur de ce qu’on attend d’un chef d’Etat chargé de soutenir les institutions démocratiques».

Et pour éviter que la justice sud-africaine ne protège Zuma, la Haute cour de Pretoria a invalidé la nomination d’un très controversé procureur général, Shaun Abrahams, considéré comme un proche du président et censé se prononcer sur la suite judiciaire à donner à de graves accusations de corruption contre Zuma.

Reste que, comme un submersible, Zuma a échappé jusqu’à présent aux multiples tentatives de destitution initiées par les députés sud-africains. Toutefois, la dernière tentative a sonné comme un avertissement lorsqu’en août dernier il échappe de justesse à une destitution alors que 198 députés l’ont soutenu, contre 177 voix souhaitant sa destitution, alors que le parti au pouvoir compte 249 députés. C’est dire que l’homme est même lâché au sein de son parti.

Lors de cette procédure de destitution, Julius Malema, le trublion du parlement sud-africain et leader des Economic fredom fighters (EFF), a expliqué: «Nous ne sommes pas là pour destituer un président démocratiquement élu. Car, que cela nous plaise ou non, nous devons tout le temps respecter le choix du peuple souverain. Nous sommes là pour nous débarrasser du père de Duduzane (fils de Jacob Zuma cité dans les scandales des Guptaleaks). Le père de Duduzane est la personne la plus corrompue d’Afrique du Sud».

Seulement, si Zuma a jusqu’à présent échappé à sa destitution (9 tentatives de motion de défiance au parlement), il peut ne pas échapper à la justice, une fois qu’il ne sera plus aux commandes de l’Etat.

Pour lui, face à ce chapelet de scandales, l’heure est grave. Sa seule préoccupation est de garantir son impunité judiciaire quand il aura quitté le pouvoir en 2019. C’est la raison pour laquelle il s’est battu corps et âme pour placer son ex-épouse, Dlamini-Zuma, à la tête de l’ANC afin que celle-ci lui succède à la tête du pays en 2019.

Seulement, cette bataille a été perdue, à cause, en grande partie, du comportement de Zuma. C’est Cyril Ramaphosa qui dirige désormais le parti au pouvoir avec beaucoup de chance de devenir le futur président du pays de Mandela. Et avec celui-ci, il n’y a pas de garantie que Zuma ne passe pas devant la justice. Et si c’est l’opposition qui crée la surprise en 2019 en remportant la prochaine élection présidentielle, à cause des errements de Zuma, il est certain qu’il n’échappera probablement pas à la prison.

Par Moussa Diop
Le 30/12/2017 à 09h54, mis à jour le 30/12/2017 à 11h46