Recevant le nouvel ambassadeur du Togo à Abuja, la semaine dernière, le président nigérian, Mahammadu Buhari avait été très ferme. "Les transitions pacifiques en Afrique de l'Ouest ne sont plus négociables", avait-il dit. Ce à quoi l'ambassadeur togolais avait sagement répondu: "Le Nigeria est notre grand-frère et nous écouterons toujours ses conseils". C'est dire que la CEDEAO a décidé de changer de ton et au sein de l'exécutif togolais, on préfère jouer désormais la carte de l'apaisement. C'est dans ce contexte que devront s'ouvrir les négociations entre opposition et parti au pouvoir.
"C'est le dialogue de la dernière chance. L'opposition et le pouvoir ont intérêt à tout faire pour sortir définitivement ce pays de cette situation d'instabilité", affirme Joël Afandjigan, commerçant à Lomé. "Chaque camp doit mettre un peu d'eau dans son vin". Pouvoir et opposition ont enfin décidé de se réunir autour de la même table, alors que le président Faure Gnassingbé, actuellement à la tête de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), fait face depuis cinq mois à une très forte contestation populaire.
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Quasiment chaque semaine, des marches pour demander sa démission et limiter à deux le nombre de mandats présidentiels rassemblent des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes.
Edoh Klavissou, conducteur de taxi-moto, n'attend rien du dialogue. "Le parti UNIR (Union pour la République, au pouvoir) va encore rouler l'opposition dans la farine. Ils vont encore discuter et signer un autre accord, qui ne sera pas respecté par le gouvernement. C'est toujours la même chose et cela nous fatigue. Nous avons trop dialogué dans ce pays".
Sur les réseaux sociaux, nombreux étaient ces derniers jours les Togolais sceptiques, à critiquer la tenue d'un "énième dialogue" au Togo, gouverné depuis plus de 50 ans par la même famille. Faure Gnassingbé a succédé en 2005 avec le soutien de l'armée à son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui avait dirigé sans partage le pays pendant 38 ans. Il a été réélu au terme de scrutins contestés par l'opposition en 2010 et 2015.
Depuis l'avènement du multipartisme au début des années 90, une quinzaine de dialogues et de pourparlers se sont tenus à Lomé, sans jamais déboucher sur une alternance politique ni changement majeur. La réforme des mandats présidentiels et du mode de scrutin, déjà prévue par l'Accord politique global (APG) de 2006, n'a jamais vu le jour, alors qu'elle devait permettre d'apaiser un pays exaspéré par les violences (près de 500 morts selon l'ONU) ayant suivi l'élection de M. Gnassingbé.
"Bonne volonté"
L'ONU, l'Union européenne et les ambassades d'Allemagne, de France et des États-Unis à Lomé ont "salué" la semaine dernière la tenue de ce dialogue, encourageant "les acteurs politiques togolais à travailler de bonne foi pour aboutir à un consensus". Le président ghanéen Nana Akufo-Addo, l'un des médiateurs de cette crise, est attendu dimanche soir à Lomé, où il accompagnera l'ouverture des discussions lundi.
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Toutefois, après quatre jours de travaux préparatoires réunissant des représentants du gouvernement, du parti au pouvoir et de l'opposition, très peu d'informations ont pour l'instant filtré. "Ce qui nous impressionne, c'est la bonne volonté des deux parties et l'enthousiasme qu'elles manifestent, afin de trouver une solution durable à la crise", a déclaré samedi soir à des journalistes le porte-parole de la délégation ghanéenne, Daniel Osei, sans fournir aucun détail concret.
A propos du rôle du Ghana, il a précisé qu'il s'agissait davantage d'une "facilitation" que d'une "médiation", les chefs d’Etat de la CEDEAO ayant décidé "que la crise trouverait sa solution à travers un dialogue entre Togolais". Mais à la veille de l'ouverture du dialogue, le suspense demeure entier sur l'ordre du jour et les parties prenantes aux discussions -quels partis pour représenter l'opposition? Société civile et armée seront-elles présentes?
L'entourage de Faure Gnassingbé a en tous cas répété ces dernières semaines dans la presse locale qu'il ne serait "pas question" de discuter du départ immédiat du chef de l'Etat ni d'un engagement de sa part à quitter le pouvoir.