Cameroun: l'impossible candidature unique de l'opposition face à Paul Biya

Paul Biya, président du Cameroun.

Paul Biya, président du Cameroun.. DR

Le 21/08/2018 à 09h28

A moins de deux mois de la présidentielle du 7 octobre au Cameroun, une candidature unique de l'opposition face au président sortant Paul Biya, 85 ans dont 35 au pouvoir, semble improbable, de l'aveu même de candidats rencontrés par l'AFP à Douala et Yaoundé.

Huit candidats seront en lice à cette élection à un tour contre Paul Biya et plusieurs rencontres ont eu lieu entre certains d'entre eux en vue d'un regroupement derrière un seul candidat qui pourrait être mieux à même de le battre. L'idée d'une "primaire" a même été évoquée.

Mais ces rencontres sont à ce jour restées infructueuses et le court laps de temps restant avant le scrutin laisse mal présager d'une issue positive, d'autant que deux des principaux candidats, Maurice Kamto et Joshua Osih, ne cachent pas leur scepticisme.

"Je ne crois pas qu'il y aura un candidat unique, ce n'est pas réaliste", affirme ainsi Maurice Kamto, 64 ans, président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), surtout implanté dans l'ouest du pays.

Cet ancien ministre délégué à la Justice de 2004 à 2011, avocat au barreau de Paris qui a négocié avec succès pour son pays le contentieux territorial avec le Nigeria sur la presqu'île de Bakassi, estime qu'il faut "qu'on se débarrasse du mythe du candidat unique, en 1992, on en parlait déjà…"

"Candidats suscités"

Il affirme qu'il existe des "candidats suscités" par le régime, dont Garga Haman Adji, originaire du Nord, qui pourrait absorber des voix de cette région et éviter qu'elles ne se portent sur un candidat opposé à Biya mieux placé que lui.

En outre, Kamto estime qu'une "addition de candidats qui ne représentent rien" ne peut pas mener à la victoire. En revanche, il "peut y avoir un regroupement de certains candidats" avec qui il a déjà eu des contacts. "Je ne préjuge de rien", dit-il.

Selon Johua Osih, candidat du Social Democratic Front (principal parti d'opposition), il est certes "toujours souhaitable d’augmenter ses chances", mais il ne pense pas qu'une candidature unique soit "indispensable à une victoire contre M. Biya".

"Nous avons gagné une élection en 1992 sans coalition et nous pensons que nos forces sur le terrain peuvent nous permettre de gagner" celle de 2018, affirme ce député et homme d'affaires de 49 ans.

En 1992, le leader historique du SDF, John Fru Ndi, avait été battu de justesse par Paul Biya, mais ses partisans avaient alors dénoncé des fraudes et affirmé que c'est bien leur candidat qui avait gagné.

Joshua Osih concède que "si d’autres partis et d’autres candidats veulent nous rejoindre ça rendra la tache plus facile" et note avec satisfaction que "plusieurs partis politiques qui n’ont pas présenté de candidats à la présidentielle nous ont déjà rejoints".

"Pour certains, ils ont des forces supérieures à ceux qui sont en lice pour cette élection", affirme-t-il.

"Faire un geste"

L'un des rares à croire encore à un possible rassemblement des forces "d'alternative" à Biya est Akere Muna, célèbre avocat de 66 ans, ancien batonnier du Cameroun et fondateur dans son pays de la branche de l'ONG de lutte contre la corruption Transparency International.

"J’ai parlé avec la plupart des candidats et je perçois cette conscience que le peuple attend de nous de faire un geste", affirme-t-il.

"Dès le 8 octobre (2017), quand j’ai annoncé ma candidature, j’ai dit clairement que j’oeuvrais pour ça (un rapprochement) et je le fais", ajoute le candidat. "Je rencontre tout le monde, je parle avec tout le monde et je pense que c’est très faisable".

Akere Muna assure qu'il est prêt à se "désister sans problème" pour un autre, "sans précondition". Mais, dit-il quand même, "il faudrait qu’on s’entende sur certaines choses principales, car l’important ce n’est pas qui se met derrière qui, c’est qui propose quoi".

Pour Maurice Kamto, la faiblesse des candidats d'opposition lors des précédents scrutins a surtout été "l'absence sur le terrain, avant et pendant l'élection". Depuis 2012, "nous sillonnons sans relâche tout le pays", affirme celui qui vient de passer trois semaines en juillet dans le nord du Cameroun, allant de "village en village".

Et le jour du scrutin du 7 octobre, il faudra "être présent dans tous les bureaux de vote" pour surveiller les opérations. "Nous formons nos scrutateurs aux techniques de fraude", dit-il.

Un sentiment partagé par Joshua Osih dont le parti prévoit de former 48.000 scrutateurs qui devront être présents dans l'ensemble des 25.000 bureaux de vote installés sur tout le territoire le 7 octobre.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 21/08/2018 à 09h28