Gambie. Témoignage cru d'une victime: voici comment Yahya Jammeh m'a violée

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Le 27/06/2019 à 15h31, mis à jour le 27/06/2019 à 15h33

L'ancien dirigeant gambien, qui avait décrété que son pays était une république islamique, se livrait en fait, aux pires sévices sexuels. "Il m'a sodomisée", raconte Toufah Jallow, l'une de ses victimes, qui a osé parler.

Yahya Jammeh est accusé de meurtres et de crimes économiques. Mais ce n'est pas tout. Malgré de forts soupçons sur son comportement sexuel criminel envers plusieurs de ses compatriotes, jamais des témoignages ne les avaient confirmés.

Hier, mercredi 26 juin, l'ONG américaine Human Rights Watch a publié sur son site officeil de graves accusations portées contre cet ancien chef de l'Etat gambien, poussé à la porte du pouvoir en janvier 2017, sous la pression de la CEDEAO. 

L'une de ses victimes, Toufah Jallow, qui avait 18 ans au moment des faits, à partir de l'année 2014, apporte son témoignage avec des détails qui font frémir.

Au mois de décembre 2014, elle est élue reine de beauté de ce pays d'Afrique, l'un des plus petits par sa superficie. Yahya Jammeh demande alors à rencontrer la nouvelle Miss Gambie. A plusieurs reprises. Elle décline l'offre, en autant de fois, jugeant cette invitation suspecte. 

Human Rights Watch a publié hier, mercredi 26 juin, son témoignage glaçant.

Dix-huit mois d’enquête ont permis à l’organisation de défense des droits de l'homme d'accuser nommément Yahya Jammeh de violences sexuelles.

L’ex-président gambien, qui a régné durant vingt-deux ans, est ainsi accusé d’avoir mis en place un véritable système pour abuser de jeunes femmes.

Trois victimes ont apporté leur témoignage à HRW, mais aussi des proches de l’ex-président gambien.

L'une de ces victimes, qui accuse nommément Yahya Jammeh, est Toufah Jallow.

En décembre 2014, alors qu'elle avait 18 ans, Miss Gambie se voit couvrir par le président déchu de cadeaux, ainsi que sa famille, en plus de sommes d'argent, de matériel informatique ou l'installation de l'eau courante au domicile de sa future victime.

Yahya Jammeh se montre si bienveillant que la jeune femme finit par accepter de le rencontrer. 

«À ce moment-là, il m’a demandé s’il pouvait m’épouser, raconte Toufah Jallow. J’étais très naïve. Je pensais que je pouvais refuser son offre et continuer mes études. Donc, j’ai dit "non"».

Le président gambien ne renonce pas pour autant et poursuit machiavéliquement son entreprise.

Il contraint la jeune étudiante en art dramatique à se rendre à la State House de Banjul, le siège de la présidence. 

«Yahya Jammeh m’a invitée au palais, encore une fois. J’ai alors commencé à pleurer, à le supplier et à m’excuser, mais cela ne lui a rien fait», détaille Toufah Jallow.

«Il a frotté son sexe sur ma figure et il m’a forcée à me baisser. J’ai essayé de me débattre et il m’a injecté alors une seringue. Il m'a sodomisée et il m’a dit des choses pour que je regrette de l’avoir rejeté, de lui avoir dit "non" dès le départ.»

Aujourd'hui, Toufah Jallow veut que les autres victimes de Yahya Jammeh dénoncent leur bourreau, même si elle sait que dans ce pays, de tels témoignes est synonymes d'auto-condamnation. C'est ce qui explique que jusqu'à présent, devant la Commission Vérité et Réconciliation mise en place pour solder les crimes des 22 ans que l'ancien dictateur a passés au pouvoir, les témoins de ses viols ne se bousculent pas. 

Un système Yahya Jammeh révélé par des ONG

Toutefois, Human Rights Watch et l'ONG Trial affirment avoir eu des preuves des agissements de Jammeh, par le biais de témoignages de son entourage.

Yahya Jammeh avait ainsi mis en place une organisation quasi-militaire pour assouvir ses pulsions, affirme l'ONG. 

«Yahya Jammeh avait tout un système, presque un harem, des femmes qui travaillaient au palais présidentiel, mais dont le vrai "boulot", c’était de coucher avec lui».

«Il allait par exemple à des réunions, à des meetings publics, et il disait à ses collaborateurs : "je veux celle-là", relate Reed Brody, le directeur de Human Rights Watch à Dakar. On a interviewé huit personnes qui travaillaient dans sa protection rapprochée ou au palais présidentiel, qui nous ont expliqué comment, en fait, il sélectionnait lui-même les jeunes femmes pour assouvir ses fantasmes sexuels».

Une culture du silence

Aujourd'hui, sur les 700 dossiers qu'examine la Commission Vérité et Réconciliation, aucun n'aborde les sévices sexuels du président déchu, même si en Gambie, nombreux sont ceux qui savent.

Yadicon Ndjie, la présidente des affaires féminines de cet organe, affirme que «ce sont des histoires que l'on entend ici ou là, mais on espère que les victimes vont prendre la parole et expliquer leur histoire pour qu'on puisse mener des enquêtes».

Fatou Baldeh, la présidente d'une association féministe, explique de son côté que les victimes craignent d'être condamnées par la société, alors que les bourreaux pourraient, eux, échapper à la justice.

«J'ai discuté avec des femmes qui ont été abusées sexuellement par des hommes très puissants sous Jammeh. Mais pour ces femmes qui osent témoigner publiquement du viol qu'elles ont subi, les conséquences peuvent être très graves», indique cette actrice associative.

«Ces femmes peuvent être discriminées, abusées. Elles peuvent être contraintes de divorcer ou être rejetées par leur famille. Il y a un grand de nombre de facteurs qui expliquent le silence des victimes», ajoute-t-elle.

Pour l'heure, trois femmes ont porté plainte contre Jammeh et une dizaine d'entre elles font état de sévice sexuels. C'est peu. 

Par Le360 Afrique (avec RFI)
Le 27/06/2019 à 15h31, mis à jour le 27/06/2019 à 15h33