Cameroun. Chefferies traditionnelles: les femmes du septentrion prennent le pouvoir

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Le 12/07/2019 à 11h56, mis à jour le 12/07/2019 à 13h32

Des distinctions honorifiques ont été remises mercredi dernier aux chefs traditionnels qui ont permis cette évolution des mentalités. A ce jour, 232 femmes siègent comme notables dans ces chefferies, qui bousculent les codes traditionnels.

Environ 232 femmes siègent aujourd'hui, et désormais, aux côtés des hommes comme notables, dans des chefferies de la partie septentrionale du Cameroun.

C'est le cas dans les lamibé de Banyo, de Demsa, de Mokolo, de Guider, de Djérem, de Ngaoundéré, de Tignère, ainsi que des sultanats de Kousseri et de Logone-Birni.

Celles-ci ont des profils divers: ce sont aussi bien des étudiantes que des femmes au foyer, etc.

Cette évolution nette représente une avancée dans ces sociétés patriarcales et très traditionnelles, que les autorités camerounaises ont voulu saluer et encourager.

C'est dans ce sens que des distinctions ont été remises aux 9 chefs traditionnels qui ont permis cette évolution, lors d'une cérémonie présidée mercredi dernier, 10 juillet 2019, par le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, en présence d'autres membres du gouvernements et de diplomates accrédités à Yaoundé. 

«J’ai désigné 40 femmes notables et je trouve que c’est même peu. Dans le temps, le sultan traite avec les notables qui descendent dans les contrées pour transmettre le message. Parfois, cela ne se passe pas très bien parce qu’il faut rencontrer les époux. Le mari, parfois, ne dit pas exactement ce qu’il faut faire et les messages sont déformés. Le monde évolue, change et il faut passer par les femmes. Les femmes notables transmettront directement ces messages à leurs homologues auxquelles elles ont plus facilement accès», a afirmé, lors de cette cérémonie, Mahamat Bahar Marouf, sultan de Logone-Birni, dans la région de l’Extrême-Nord.

Son sultanat est une chefferie de premier degré qui couvre neuf cantons de chefferies de second degré sur trois arrondissements (Waza, Logone-Birni et Mvila).

Le plaidoyer pour une meilleure intébration des femmes a notamment été initié depuis plusieurs années par l’Association des femmes et filles de l’Adamoua (AFFADA).

«Nos activités consistent à rapprocher les femmes de la chefferie pour qu’elles expriment leurs besoins. Elles n’ont pas accès à la terre, aux médias, à l’éducation et sont marginalisées. J’ai donc commencé avec la sous-scolarisation et l’éducation de jeunes filles. Beaucoup ne vont pas à l’école ou arrêtent dès le cours préparatoire. Je me suis battue pour les ramener à l’école et certaines ont obtenu le CEP [certificat d’études primaires, Ndlr]», explique à ce sujet Hadja Kaïgama Sali, notable de Mokolo, toujours dans l’Extrême-Nord.

Au cameroun, les notables jouent un rôle de premier plan dans les chefferies traditionnelles.

Chez les musulmans, le conseil des notables, appelé «faada», prend des décisions sur la vie de la communauté en concertation avec le lamido.

La présence de femmes devrait permettre de davantage faire évoluer leurs droits, ainsi que les mentalités et opinions à leur endroit.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 12/07/2019 à 11h56, mis à jour le 12/07/2019 à 13h32