Cameroun: des virements individualisés de la solde pour lutter contre les fonctionnaires fictifs

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Le 20/08/2019 à 07h16, mis à jour le 20/08/2019 à 17h13

Le projet, qui sera mis en œuvre dès la fin de ce mois d'août 2019, met fin au Système de gros montant automatisé qui ne permet pas d'avoir une bonne traçabilité des paiements effectués aux agents publics. L'Etat passe ainsi à une nouvelle phase dans sa lutte contre les fonctionnaires fantômes.

A compter de la fin du mois d'août 2019, pour le paiement des salaires, le ministère des Finances va instaurer le virement individualisé de la solde des agents publics et des pensions. Une convention de procédures vient d'être signée à cet effet avec les établissements bancaires du pays. L'opération sera effectuée via la plateforme du Système de télécompensation en Afrique centrale (SYSTAC).

Concrètement, il s'agit désormais d'approvisionner directement le relevé d’identité bancaire (RIB) du bénéficiaire de la solde ou de la pension auprès des institutions financières (banques et établissements de micro-finance). Une révolution en quelque sorte dans le domaine.

En effet, depuis la réforme des systèmes de paiement en 2007, la solde des agents publics et les pensions a toujours été virée via le Système de gros montant automatisé (SYGMA) en un montant unique à destination de chacune des banques domiciliataires des RIB des bénéficiaires.

Ce virement unique est accompagné d’une clé de répartition transmise aux banques sur support amovible. Il revient ainsi à ces dernières de répartir le «gros montant» suivant la clé de répartition entre leurs clients agents publics et les micro-finances domiciliataires de la solde et des pensions. Mais cette pratique a quelques inconvénients. Entre autres, l’impossibilité d’assurer une meilleure traçabilité des paiements effectués auprès des institutions financières du fait des virements groupés.

De même, l'on observe des lenteurs dans le retour des fonds issus des rejets de salaires, les difficultés de détection, par le Trésor public, de l’attribution de multiples matricules aux agents publics et la difficulté de suspension de la solde des agents en situation irrégulière.

Economies budgétaires

Or, en ce moment, le gouvernement, à travers notamment le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a engagé une lutte contre le phénomène des fonctionnaires fictifs. Une opération engagée notamment avec le récensement physique des agents publics. Lors du dernier conseil de cabinet du gouvernement de l’année 2018 à Yaoundé, sous la présidence du Premier ministre, le ministre des Finances a fait état d'importantes économies budgétaires réalisées grâce à cette opération débutée le 26 octobre 2018.

Le comptage des agents publics a ainsi permis de générer une économie budgétaire de 394,7 millions de francs CFA, soit 4,7 milliards de francs CFA par an. Le projet a également permis la mise à jour de plus de 388.335 (sur 410.020) relevés d’identités bancaires des agents publics contenus dans la base de données du ministère des Finances, soit un taux de 94,7%.

Aussi, les virements individualisés visent-ils notamment la poursuite de l’assainissement du fichier solde grâce à la traçabilité, le toilettage régulier des cas de décès des agents publics, des RIB erronés et des agents fictifs qui gonflent superficiellement la solde au fil des mois. Par ailleurs, avec ce système, il sera possible, selon le ministère des Finances, d’identifier en temps réel le bénéficiaire final du virement à toutes les étapes du traitement de la solde.

«Aujourd’hui, ce n’est pas possible pour nous de tout contrôler parce que nous avons un transfert pour beaucoup de fonctionnaires qui ont des comptes dans les banques. Nous sommes sûrs qu’avec la nouvelle mesure prise et les contrôles qui ont été mis en place, il ne sera pas possible pour un fonctionnaire d’avoir deux salaires», affirme Nestor Basahag, directeur de la comptabilité publique au ministère des Finances.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 20/08/2019 à 07h16, mis à jour le 20/08/2019 à 17h13