Après avoir joué ces dernières années un rôle clé mais tout aussi discret dans l'engagement soudanais au Yémen, il est sorti de l'ombre le 12 avril en prenant les commandes du Conseil militaire de transition, au lendemain de la chute d'Omar al-Béchir, renversé après des mois de contestation populaire.
Il a remplacé à ce poste le général Awad Ibn Ouf, nommé le jour de la destitution du président. Mais, face à la pression de la rue, ce militaire qui incarnait le régime de M. Béchir et ses 30 années de règne sans partage, avait vite jeté l'éponge.
L'un des principaux atouts d'Abdel Fattah al-Burhane, un quinquagénaire issu des mêmes académies qu'Awad Ibn Ouf, fut alors son anonymat quasi absolu: il "n'a jamais été sous le feu des projecteurs", dit de lui un officier soudanais.
Quatre mois après avoir été placé à la tête du Conseil militaire, la remarque reste partiellement valable: le général Burhane a continué à adopter une posture discrète, laissant volontiers la vedette à d'autres haut-gradés du Conseil souverain, notamment à son numéro deux, Mohamed Hamdan Daglo.
Lire aussi : Soudan: la nouvelle instance de transition mise en place
C'est d'ailleurs ce chef d'une redoutée force paramilitaire accusée d'être impliquée dans la répression de la contestation qui a signé samedi, au nom du Conseil militaire, l'accord avec les chefs de la contestation.
Durant sa carrière, le général Burhane, un temps attaché de Défense à Pékin, a surtout été "un très haut gradé de l'armée, un commandant qui sait mener ses troupes", assure l'officier soudanais s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
Quelques heures avant d'être catapulté à la tête du Conseil militaire de transition, il avait été vu en train de discuter avec les manifestants rassemblés devant le QG de l'armée.
Né en 1960 à Gandatu, un village au nord de Khartoum, Abdel Fattah al-Burhane a fait des études dans une école de l'armée, puis en Egypte et en Jordanie.
Lire aussi : Soudan: l'ex-président Omar el-Béchir est arrivé au tribunal où il sera jugé pour corruption
Marié et père de trois enfants, il a été commandant de l'armée de terre avant qu'Omar el-Béchir le nomme inspecteur général de l'armée en février.
Selon les médias soudanais, il avait coordonné l'envoi de troupes soudanaises au Yémen lorsqu'il était commandant des forces terrestres.
L'envoi de ces troupes a été décidé par Omar el-Béchir dans le cadre d'une coalition militaire sous commandement saoudien intervenue en 2015 au Yémen pour soutenir le gouvernement face aux rebelles Houthis accusés de liens avec l'Iran.
Des milliers de soldats et officiers soudanais combattent au Yémen, où ils ont souvent déploré des pertes parmi leurs hommes.
Les images de soldats soudanais morts ou blessés circulent régulièrement sur les réseaux sociaux, suscitant des appels au retour des troupes.
Lire aussi : Soudan: principaux points d'accord de la transition démocratique
"Burhane n'a pas de sensibilités politiques, c'est un militaire de carrière", souligne l'officier.
Depuis sa désignation, il a encore renforcé ses liens avec les soutiens régionaux de l'armée soudanaise, en se rendant en Egypte, mais également aux Emirats et en Arabie saoudite, deux pourvoyeurs d'aides financières.
Selon Willow Berridge, auteur de "Soulèvements civils au Soudan moderne", le général soudanais a travaillé en étroite collaboration avec la Force de soutien rapide (RSF) de Mohamed Hamdan Daglo, des paramilitaires, sur le dossier yéménite.
Il "semble être arrivé au pouvoir" avec le soutien de cette force, a expliqué l'universitaire.
Ce "rôle (...) de la RSF -considérée par beaucoup comme une version réorganisée des milices Janjawid, accusées d'atrocités au Darfour (ouest)- vont pousser de nombreuses personnes à la prudence", a-t-elle ajouté.