Cameroun: premières réactions après la condamnation à vie de séparatistes anglophones

Le leader des séparatistes Sisiku Ayuk Tabé, président autoproclamé de la République d'"Ambazonie".

Le leader des séparatistes Sisiku Ayuk Tabé, président autoproclamé de la République d'Ambazonie.. DR

Le 22/08/2019 à 07h16, mis à jour le 22/08/2019 à 07h47

Le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) condamne un «simulacre de procès», après les condamnations des séparatistes anglophones. D'autres acteurs craignent une radicalisation des partisans des séparatistes.

Lors d'un point de presse organisé ce mardi 20 août 2019, le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) a réagi à chaud, après la condamnation à vie de certains séparatistes anglophones, dont Julius Ayuk Tabe, président autoproclamé de l’Ambazonie, une République «fantôme» que les sécessionnistes veulent créer dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

«Après un procès scandaleux en violation flagrante de toutes les règles et procédures judiciaires, au mépris total des directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique au terme de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP) dont le Cameroun est membre signataire, dix des leaders poursuivis dans le cadre de la crise dite anglophone ont très lourdement été condamnés au petit matin de ce jour après une torture physique et psychologique sans précédent qui aura duré toute une nuit», déclare Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du REDHAC.

Celle-ci ajoute que le REDHAC condamne ce «simulacre de procès». «C'est tout simplement inacceptable une telle plaisanterie judiciaire inique et cynique sans précédent dans un pays dit "de droit". C'est là la preuve, s'il en était encore besoin, que nous sommes dans un environnement où l'état de droit est foulé au pied», indique-t-elle.

Au terme de la session du tribunal qui a commencé lundi soir et s'est poursuivie jusqu'à ce mardi 20 août 2019 aux environ de 5 heures du matin, Julius Ayuk Tabe et neuf de ses partisans ont été condamnés à la prison à vie par un tribunal militaire de Yaoundé. Une peine assortie du paiement de 250 milliards de francs CFA de dommages.

«Cette condamnation à vie arrive alors que nous avons récusé les trois juges. Il y a eu de grandes violations du code de procédure pénale dans ce procès», déclare un des avocats du leader séparatiste sur une radio locale.

Avec ce verdict, d'aucuns craignent une radicalisation des partisans des séparatistes. «Ayuk est un leader suivi, des gens le respectent. Si on le condamne à la prison à vie, c’est pour radicaliser des gens qui le soutiennent (…) Nous avions entamé des démarches pour que les enfants retournent à l’école en zone anglophone. A deux semaines du début des classes, ce genre de décision met les modérés en danger. Le timing n’est pas bon», affirme l’avocat Félix Agbor Nkongho, président du Cameroon Anglophone Civil Society Consortium, sur le site Internet du Monde Afrique.

«Un procès ne règle jamais un problème politique. Suite au verdict rendu par le tribunal militaire de Yaoundé à propos de Sisiku Ayuk et 8 autres (sic), je m’interroge: la voie vers un véritable dialogue inclusif ou la campagne du gouvernement pour la reprise des classes facilités», indique sur son compte Twitter Akere Muna, ancien candidat à la présidentielle. «La justice de la République, souveraine et indépendante, s’est donc prononcée. Le gouvernement en prend acte», a pour sa part tweeté le ministère de la Communication sur le sujet.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 22/08/2019 à 07h16, mis à jour le 22/08/2019 à 07h47