Cameroun: ce que le statut spécial va changer dans les régions anglophones

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Le 18/12/2019 à 08h15, mis à jour le 18/12/2019 à 10h06

Le projet de loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées actuellement en examen à l'Assemblée nationale devrait, en cas d'adoption, apporter des modifications dans la gestion des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest secouées par une crise sans précédent depuis trois ans.

L'une des principales recommandations du Grand dialogue national tenu du 30 septembre au 4 octobre derniers dans le pays était d'octroyer aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, un «statut spécial» conformément aux dispositions de la Constitution. Afin de mettre en œuvre cette prescription, le projet de loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées est actuellement en examen à l’Assemblée nationale, convoquée en session extraordinaire depuis le 13 décembre 2019.

Ainsi, ces deux régions anglophones y bénéficient d’un statut spécial fondé sur «leur spécificité linguistique et leur héritage historique». Selon l'article 3 dudit projet de loi, au plan de la décentralisation, ce statut spécial sera traduit par des spécificités dans l’organisation et le fonctionnement de ces deux régions.

Il se traduit également par le respect des particularités du système éducatif anglophone et la prise en compte de spécificités du système judiciaire anglo-saxon basé sur la Common Law. En plus des compétences dévolues aux autres régions, celles du Nord-Ouest et du Sud-Ouest auront des compétences particulières. D’abord, la participation à l’élaboration des politiques publiques nationales relatives au sous-système éducatif anglophone.

Ensuite, la création et la gestion des missions régionales de développement. Enfin, la participation à l’élaboration du statut de la chefferie traditionnelle. Elles peuvent aussi être consultées sur les questions liées à l’élaboration de politiques publiques de la justice dans le sous-système de la Common Law, et être associées à la gestion des services publics implantés dans leurs territoires respectifs.

«Justice sociale»

Les deux régions anglophones s'administreraient librement par des organes élus, à savoir l’Assemblée régionale (composée de la House of Divisional Representative ainsi que la chambre des chefs traditionnels) et le Conseil exécutif régional. Par ailleurs, il est institué dans ces régions, un «Public Independent Conciliator». Il s'agit d'une autorité indépendante, une personnalité «jouissant d’une solide expérience et d’une réputation d’intégrité et d’objectivité établie».

Son rôle est, entre autres, d’examiner et régler à l’amiable les litiges opposant les usagers à l’administration régionale et communale et de défendre et protéger les droits et libertés dans le cadre des relations entre les citoyens et la région ou les communes de la région. Ses fonctions sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat, d’une fonction, d’un emploi public ou de toute autre activité professionnelle rémunérée.

«La situation dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest n’honore pas le Cameroun (…) Que ce projet de loi cherche à soutenir et à préserver la culture anglophone et donner à notre nature distincte de peuple, une chance par la justice sociale. Que la loi reconnaisse nos valeurs qui se manifestent dans notre culture, notre éducation et notre Common Law», pense Visas Christopher, président du Conseil traditionnel de Kedjom Ketingo, dans le Nord-Ouest.

Dans un cadre plus large, la loi propose dans les autres régions, la mise en œuvre d'une Fonction publique locale, le transfert d'un minimum de 15% des recettes de l’État aux communes d'arrondissement contre 1% avant, le renforcement de la participation citoyenne à travers l'implication des populations à toutes les phases de l'élaboration des budgets ou encore la suppression du poste de délégué de gouvernement auprès des communautés urbaines.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 18/12/2019 à 08h15, mis à jour le 18/12/2019 à 10h06