Si vous séjournez au Cameroun durant le mois de janvier, il est fort probable que vous entendiez parler de la «Janviose».
C'est une «maladie» dont se disent atteints bien des Camerounais durant le mois de janvier, caractérisée par un état de misère qui frappe la population en début d'année.
En voici les symptômes: la sensation que le mois de janvier s'allonge et dure en fait 60 jours, une forte tendance à ne plus répondre au téléphone aux appels du propriétaire de l'appartement qu'on a loué, ainsi que de toute personne à qui on doit de l'argent, voire des hallucinations liées à l'argent, ou même des troubles du sommeil.
Ce tableau clinique très précis est décrit par un internaute, qui détaille ainsi la «Janviose», un «camerounisme», soit un néologisme, qui désigne la baisse du pouvoir d'achat qui saisit les habitants du pays après la fièvre des dépenses souvent faramineuses des fêtes de fin d'année.
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«Normalement le terme approprié devrait être «Janvite». Mais il s'agit d'un camerounisme, on se comprend. Cela veut dire que le mois de janvier est tellement difficile en soi qu'il rend les gens malades. Le phénomène s'explique de manière simple. On a une période faste, surtout en Afrique noire, sous les tropiques. Les périodes des fêtes de fin d'année sont attendues et préparées avec beaucoup d'enthousiasme. La religion, d'une manière indirecte, y est pour beaucoup. Pour l'essentiel, on est croyant, pratiquant catholique (chrétien). C'est la période de l'année où on attend le Christ, qui est une période de piété et de grand faste. On dépense beaucoup d'argent pour accueillir le petit Jésus sous nos toits», explique plus sérieusement Joseph Owona Ntsama, anthropologue à la Fondation Paul Ango Ela à Yaoundé, la capitale.
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«L'ironie du sort a voulu qu'il y ait aussi le Nouvel an, qui est un moment où on est heureux d'avoir vu une nouvelle année. Dans le prolongement de Noël, le faste continue ainsi», ajoute ce chercheur.
Conséquence logique, en janvier, succède alors une période de vaches maigres.
«On revoit les dépenses à la baisse pour boucler la fin du mois. Certains s'endettent auprès des tontines (une association collective d'épargne, propre aux pays d'Afrique du Nord et de l'Ouest, mais aussi au Cameroun, Ndlr), ou de proches. J'ai essayé d'avoir une avance de solde auprès de mon patron, en vain. On n'est pas au pain sec et à l'eau à la maison, mais c'est beaucoup plus difficile», explique Emmanuel Zambo, électricien.
Cette période est économiquement stressante pour les travailleurs, et les internautes la prennent avec beaucoup d'humour, au regard des blagues sur la «janviose» qui fleurissent sur les réseaux sociaux.
«Janvier marque déjà son territoire. Ça fait deux jours qu'on est jeudi»; «Le mois de janvier est comme un film hindou. Non seulement ça dure mais il y a trop de ralentis», peut-on ainsi lire dans différents posts sur les réseaux sociaux.
Une "maladie" à laquelle certains proposent un médicament, la «Janvioxine», censée soigner les «douleurs et fièvres financières de janvier».
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«C'est un syndrome insidieux, qui annonce un dérèglement des habitudes de vie dans les foyers en ce sens qu'on va dépenser plus qu'il n'en faut pour un événement qui dure quelques heures, en fait. Ça annonce un moment de disette. Si on s'en tient à l'étymologie de la construction de ce mot, ça ne devrait concerner que le mois de janvier. Mais les récriminations iront bien au-delà avant de s'ajuster progressivement»,, affirme l'anthropologue Joseph Owona Ntsama.
Ce phénomène semble trouver encore plus d'échos auprès des agents publics: «c'est une infime partie du monde productif qu'il y a dans ce pays. Les fonctionnaires, qui ont une vie relativement carrée et qui ne comptent que sur leur salaire, sont ceux qui souffrent le plus. Les autres catégories de travailleurs (commerçants, etc.) amortissent mieux cette période», relativise l'anthropologue.
En attendant l'arrivée des prochains salaires, la "Janviose" bat en ce moment son plein au Cameroun. Et on est encore loin de la fin du mois...