Libye: une multinationale suisse épinglée dans un vaste trafic de gasoil

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Le 09/03/2020 à 14h21, mis à jour le 09/03/2020 à 14h23

La multinationale Suisse Kolmar a financé un réseau de trafic de carburant libyen subventionné, qui était destinée à la population locale. Mais elle a pu échapper aux poursuites.

Les ressources libyennes sont l'objet d'un vaste réseau de contrebande qui ont mené les enquêteurs de l'ONG Public Eye jusque dans la comptabilité de la multinationale Suisse Kolmar, en passant par des cuves installées à Malte, dans la petite République de la Méditerranée. 

Actuellement, les complices de ce trafic sont devant la justice italienne, mais Kolmar semble passer entre les mailles du filet. C'est en 2017 que le réseau de contrebandiers a été démantelé par les services italiens de sécurité. "Un réseau qui prenait sa source à Zaouïa, à 45 km de Tripoli et qui était directement contrôlé par un groupe armé", affirme Agathe Duparc, l'une des experts ayant pris part à l'enquête interrogée par Radio France Internationale.

Cette milice revendait directement le gasoil puisé dans les installations qu'elle était censée protéger, toujours d'après l'enquêtrice de Public Eye. "Il s'agit de carburant subventionné, destiné à la population locale, qui était ensuite revendu à un caïd local, un certain Benkhalifa, à partir d'un terminal pétrolier de fortune". 

Selon elle, le gasoil Libyen était acheminé vers Malte jusque dans les cuves de la société suisse, en trois étapes. Il est d'abord transporté par voie routière dans des camions jusqu'aux côtes libyennes au niveau de ce terminal de fortune, avant d'être chargé via de petites embarcations de pêcheurs. Dans un deuxième temps, des bateaux plus importants prennent le relais pour ensuite alimenter deux cuves souterraines de stockage de gasoil louées par Kolmar, un peu plus au nord à Malte.

"Ce qui est important, c'est qu'on a vraiment pu prouver tout cela, en faisant marcher le système de l'Automatic Identification System (AIS)" qui permet de retracer l'ensemble des déplacements d'un navire, y compris ses périodes et lieux d'accostage, souligne-t-elle. C'était suffisant pour prouver que Kolmar était mouillée dans le carburant libyen. 

Autre élément de preuve: la copie d'un virement bancaire qui montre que l'une des sociétés appartenant à Kolmar a effectué un transfert de 11 millions d'euros. "En plus, l'enquête italienne avait repéré les activités de Kolmar, mais comme cette dernière n'avait rien vendu sur le territoire italien", elle échappait à la territorialité de la loi italienne, poursuit toujours Agathe Duparc. 

Il s'agit de quantités énormes de carburant, allant jusqu'à 50.000 tonnes de gasoil. Du "carburant sale" ou dirty oil qui a sûrement terminé dans les véhicules européens en transitant par les stations services qui ont pignon sur rue, comme dans le cadre d'un précédent trafic démanteté par les carabinieris italiens. Le chiffre d'affaires de ce seul trafic mis à nu tourne autour de 75 millions d'euros. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 09/03/2020 à 14h21, mis à jour le 09/03/2020 à 14h23