C'est l'homme qui agace les Africains, et encore plus les Européens. Recep Tayyip Erdogan a ouvert plusieurs fronts. Il n'a pas fini de faire parler de lui à propos de son intervention controversée en Syrie qu'il vient jouer au superman en Libye. Ce qui lui permet de s'attaquer à son rêve de toujours qui consiste à commencer des opérations de prospections dans une zone toujours discutée avec la Grèce et Chypre. Une situation qui tend à se complexifier et surtout qui est source d'inquiétudes dans toute la Méditerranée. Sauf qu'Erdogan fait le sourd face aux récriminations des uns et des autres. Il déroule tranquillement son agenda.
En Afrique, c'est l'Union africaine qui est censée piloter le dossier libyen. Mais comme le dit si bien le proverbe: quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui souffrent. Or, les enjeux du pétrole font que les Africains, qui ne cherchent qu'à préserver la paix dans le Sahara et le grand Sahel, n'ont pas tout à fait les mêmes préoccupations que les grandes puissances, comme la Turquie, les Emirats arabes unis, la Russie, et les pays de l'Union européenne, qui ont à leur tête la France et l'Italie.
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Dans une interview récente accordée à Radio France Internationale, à l'occasion la fête de l'indépendance du Tchad, le président Idriss Déby Itno n'a pas manqué de le rappeler. A la question de savoir s'il avait choisi "le camp de Haftar qui, aujourd'hui, est en difficulté", il a répondu par une autre question. "Je n'ai pas choisi un camp pour un autre", a-t-il avant de poser la question de savoir "qui héberge aujourd'hui les terroristes". Selon lui, le problème libyen aujourd'hui est de savoir "quel est le camp qui recrute les terroristes et les mercenaires, quel est le camp qui veut déstabiliser tous les pays du Sahel". Et d'ajouter: "à partir de là, il est clair pour nous que nous devons nous défendre dans les choix que nous faisons".
Ces propos ne laissent aucun doute sur le constat du président tchadien qui désigne la Turquie comme ce pays qui a recruté massivement des mercenaires syriens et qui a favorisé la libération des djihadistes qui aujourd'hui ont récupéré la ville de Sabratha, vers la frontière tunisienne. Car si les deux camps utilisent des mercenaires –soudanais, syriens ou russes, voire tchadiens–, néanmoins les islamistes n'ont été identifiés que dans celui du GNA, soutenu par Ankara. Or, si la situation perdure, il est clair que les terroristes n'auront aucun mal à grossir les rangs des islamistes du Sahel, notamment au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Tchad.
Pour sa part, outre le terrorisme islamiste qu'Erdogan dissémine sur le continent, l'Egypte a un autre problème avec le président qui semble rêver de ressusciter l'empire. En effet, l'Egypte voisine en Méditerranée avec les Turcs, et leur dispute une vaste zone potentiellement riche en hydrocarbures. La tension était déjà assez persistante. C'est pourquoi le président Abdelfattah Al Sissi ne manque pas de rappeler qu'il va bientôt intervenir en Libye pour stopper l'offensive turque contre son protégé, le maréchal Haftar. Sauf qu'à force de déclamer des intentions sans réellement faire –contrairement aux Turcs–, sa crédibilité en prend un sacré coup.
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C'est aussi pour une histoire, pas tout à fait banale, d'hydrocarbures que la Grèce, Chypre et leurs soutiens occidentaux multiplient les déclarations. Ainsi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell estime "extrêmement préoccupants" les mouvements de la marine turque en Méditerranée après la signature d'un accord maritime entre l'Egypte et la Grèce. Le diplomate parle d'"antagonisme" et de méfiance", mais les mots du diplomate sont édulcorés, car cela pourrait exploser à tout moment entre Erdogan et ses voisins.
En effet, loin de se montrer conciliant, le président turc, qui semble fort du pacte signé en septembre de l'an dernier avec le Gouvernement d'entente nationale libyen de Fayez El-Serraj, a annoncé qu'il allait reprendre les opérations de prospection en Méditerranée, malgré les protestations de ses voisins chypriotes, grecs et égyptiens.
Erdogan a sans doute oublié comment l'Empire ottoman s'est terminé, notamment avec l'humiliante défaite du début du XXe siècle, qui avait mené à sa dissolution. Ses rêves de grandeur ne devraient pas lui faire perdre de vue que l'entêtement finira par non seulement par irriter ses voisins, mais aussi l'isolera sur la scène diplomatique internationale, même si pour le moment la communication est maintenue à la fois avec Donald Trump et Vladimir Poutine.