Le quotidien sénégalais Libération a publié sur son site internet l'ordonnance de non-lieu signée le 29 décembre par le juge d'instruction et concluant que les investigations menées depuis juin 2019 à la suite d'un reportage de la BBC pour des faits présumés de corruption, escroquerie, détournement, blanchiment, association de malfaiteurs ou encore fraude fiscale ne permettaient pas d'inculper qui que ce soit.Le juge et le parquet n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP. En revanche le président Macky Sall a paru accréditer les informations de Libération dans un entretien avec des journalistes à la télévision dans la nuit de jeudi à vendredi.
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"Selon le rapport que j'ai lu, le juge d'instruction ne peut pas incriminer ou incarcérer quelqu'un sans avoir la preuve de sa culpabilité", a-t-il dit. Il assuré qu'il avait lui-même demandé à la justice d'enquêter, fait sans précédent selon lui quand le nom d'un proche du chef de l'Etat, en l'occurrence son frère cadet Aliou Sall, est cité. Ce dernier et BP se sont toujours défendus de toute malversation.L'affaire a beaucoup fait parler à la fois parce qu'elle touchait l'entourage le plus proche du président, mais aussi les ressources d'hydrocarbures qui ont été découvertes ces dernières années dans l'Atlantique au large du Sénégal et dont le pays espère beaucoup.Elle porte sur l'attribution, en juin 2012, de l'exploration et de l'exploitation de deux champs pétroliers et gaziers à la société Petro-Tim de l'homme d'affaires australo-roumain Frank Timis, novice dans le secteur, associée à Petrosen (Société des pétroles du Sénégal). Macky Sall avait pris la tête du pays en avril 2012.
- "Une première" -
La BBC a affirmé en juin 2019 que la compagnie de M. Timis avait secrètement versé en 2014 une prime de 250.000 dollars à Agritrans, une société contrôlée par Aliou Sall. La BBC disait aussi que les participations du groupe de Frank Timis avaient été rachetées par BP en 2017 pour 250 millions de dollars, assortis de redevances de quelque 10 milliards de dollars sur 40 ans, détournant d'importants revenus des caisses de l'Etat.Dans l'ordonnance publiée par Libération, le juge, après avoir entendu les différents protagonistes, dont Aliou Sall, affirme qu'il n'est pas établi que de l'argent ait été versé pour corrompre qui que ce soit. Les investigations n'ont pas non plus révélé que l'Etat aurait été floué, selon lui.
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Le magistrat relève toutefois que les contrats ont été antidatés à janvier 2012. Il n'écarte pas non plus qu'un "bonus" ait été demandé à une concurrente de Pétro-Tim pour rendre son offre plus attractive et obtenir le contrat, en plus de trois millions de dollars de pénalités pour des travaux non réalisés sur un autre bloc. Mais c'était sous l'administration précédant celle de Macky Sall. Et le juge note que, si des détournements ont eu lieu à cette occasion, ils sont prescrits.Le classement de cette affaire ôte une épine du pied de Macky Sall. Les informations de la BBC avaient suscité des manifestations diversement suivies contre l'opacité de la gestion de la ressource. Son frère avait démissionné en juin 2019 de la direction de la Caisse des Dépôts et Consignations."Le fait que le chef de l'État demande à la justice de faire son travail parce qu'un de ses proches est incriminé est une première au Sénégal", a assuré M. Sall dans la nuit.
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Elu en 2012 et réélu en 2019, il a maintenu le flou sur l'éventualité de briguer un troisième mandat, sujet de controverse sur la légitimité politique de la démarche et sa constitutionnalité.