Après une décennie de négociations infructueuses, le différend sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne devrait connaître une nouvelle évolution dans les jours à venir.
En effet, l’Ethiopie qui souhaite entamer la production d’électricité à partir du second semestre de l’année en cours a décidé d’entamer la seconde phase du remplissage du réservoir de 74 milliards de mètres cubes du barrage à partir de juillet prochain. Une décision qui va certainement se traduire par la rétention de plusieurs milliards de mètres cubes d’eau du Nil bleu, l’affluent le plus important du fleuve Nil qui fournit à hauteur de 80 à 85% des eaux du Nil coulant sur le territoire égyptien.
Face à cette éventualité, l’Egypte et le Soudan ont multiplié les alertes en envoyant des ministres auprès des chefs d’Etats africains afin de les prévenir des risques qui pèseraient sur la région si jamais l’Ethiopie entamait de manière unilatérale la seconde phase de remplissage du barrage sans un accord avec l’Egypte et le Soudan, les deux pays situés en aval du Nil.
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Et face au refus de l’Ethiopie de négocier, arguant sa souveraineté sur cette partie du Nil située sur son territoire, et après plusieurs alertes sur l’escalade possible en cas de remplissage unilatéral du réservoir du barrage, l’Egypte passe à une nouvelle étape en déposant le dossier à l’ONU. Elle a adressé un dossier complet sur la question du barrage au Conseil de sécurité dans lequel elle documente sa position et pour que la communauté internationale puisse s’en servir afin de mieux saisir les questions relatives à ce différend.
Dans cette lettre adressée à l’institution onusienne, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Shoukry, a exprimé le rejet total de l’Egypte de l’approche éthiopienne consistant à imposer un fait accompli aux deux pays en aval par le biais de mesures unilatérales.
L’Egypte et le Soudan souhaitent que la seconde phase de remplissage du barrage de la Renaissance soit précédée par «un accord juste, équilibré et juridiquement contraignant» sur le barrage dans le cadre des pourparlers négociés par l’Union africaine.
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L’Ethiopie a effectué son premier remplissage en juillet 2020 avec une rétention de 5 milliards de mètres cubes et envisage une seconde phase de remplissage en juillet 2021 avec une rétention de 13 milliards de mètres cubes. Ce qui devrait porter le remplissage à hauteur de 18 milliards de mètres cubes pour un réservoir de 74 milliards de mètres cubes. C’est dire que le remplissage du réservoir du barrage devrait nécessiter plusieurs années pour atteindre la capacité maximale de production d’électricité.
Toutefois, le niveau de remplissage prévu durant cet hivernage est jugé nécessaire pour entamer la production d’électricité du plus grand barrage hydroélectrique du continent africain qui dispose d’une capacité de 6.450 MW. L’Ethiopie compte sur ce barrage pour accroitre son taux d’électrification qui s’établit autour de 35% et accélérer son développement économique.
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Et c’est le point d’orgue du différend actuel. L’Egypte n’étant plus opposé à l’érection du barrage, souhaite que son remplissage soit étalé dans le temps afin de ne pas impacter le débit du Nil, alors que l’Ethiopie souhaite un remplissage rapide du réservoir du barrage pour pouvoir produire de l’électricité en quantité suffisante et amortir son investissement colossal de plus de 4,5 milliards de dollars.
Outre l’électrification du pays, les exportations d’électricité du barrage devraient générer à l’Ethiopie plus de 700 millions de dollars par an. De quoi susciter la volonté des dirigeants éthiopiens à entamer rapidement la production d’électricité du barrage dont la construction devrait être finalisée en 2022.
Seulement, ce remplissage du réservoir se fera au détriment des pays en aval, et particulièrement de l’Egypte, le Soudan étant lui irrigué par d’autres fleuves même s’il craint que le remplissage du barrage éthiopien n’affecte ses barrages situés à quelques dizaines de kilomètres du barrage de la Renaissance.
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Partant, l’Egypte s’appuie sur les accords internationaux de 1929 et 1955 qui lui accordent une quote-part de 55 milliards de mètres cubes d’eau du Nil et 25 milliards de mètres cubes au Soudan. Un accord que l’Ethiopie réfute désormais mettant en avant un autre accord signé avec les pays situé en amont du Nil.
Au-delà, en 2015, l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie avaient signé la Déclaration de principes, selon laquelle les pays en aval -Egypte et Soudan- ne devraient pas être négativement affectés par la construction du barrage de la Renaissance.
Seulement, face aux mesures unilatérales prises par l’Ethiopie, l’Egypte, en saisissant le Conseil de sécurité essaye d’avertir celui-ci des éventuelles répercussions du second remplissage du réservoir du barrage que l’Ethiopie compte entamer dans les tous prochains jours. En mars dernier déjà, le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi avait donné le ton en déclarant que «personne ne peut prendre une goutte d’eau d’Egypte (…) Si cela se produit, il y aura une instabilité inconcevable dans la région que personne ne pourrait imaginer. Ce n’est pas une menace». Il faut souligner que 97% des eaux de l'Egypte proviennent du Nil.
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Et avant de saisir le Conseil de sécurité, le président égyptien a dépêché son ministre des Affaires étrangères en tournée dans de nombreux pays africains de toutes les régions du continent en vue de leur demander de s’impliquer pour trouver une solution à la crise avant que celle-ci n’atteigne un point de non retour. Le raïs égyptien a même fait le déplacement à Djibouti fin mai 2021, une première d’un Président égyptien dans ce petit pays limitrophe de l’Ethiopie depuis 1977. Le différend avec l’Ethiopie à propos du barrage était au centre des discussions entre les deux chefs d’Etat.
Et pour mettre davantage la pression sur l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudan ont renforcé leur coopération militaire et multiplié les rencontres entre les dirigeants militaires et sécuritaire et les manœuvres militaires communes. Une manière d’afficher leur détermination face à Addis-Abeba.