Après la découverte de l’espionnage du siège de l’Union africaine par son bienfaiteur, la Chine, on est en droit de nous demander si Pékin s’est contentée d'espionner les Africains au niveau du siège de l’institution panafricaine qu’il a construit et offert gracieusement au continent, ou si cet espionnage dépasse les limites de ce lieu qui symbolise l’émancipation du continent.
Une chose est sûre, après cette découverte, les craintes d’espionnage se font jour dans de nombreux pays africains. Et pour cause, beaucoup de palais présidentiels africains portent la griffe des ingénieurs chinois. C’est le cas au Burundi, en Mauritanie, au Togo, à Djibouti, au Soudan, au Mozambique, et la liste est beaucoup plus longue.
De même, l’Assemblée nationale et le palais du Sénat du Gabon, les palais du peuple de Djibouti, des Comores, et de tant d’autres pays, ont été ou sont constuits par la Chine.
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Ainsi, tout récemment, la Chine a signé avec le Cameroun le 22 septembre 2017 un accord de don d’une valeur de 8,3 milliards de francs CFA, sans contrepartie, pour réaliser le nouveau siège de l’Assemblée nationale camerounaise. Ce sera un bâtiment d’au moins de 13 étages. Il abritera, en plus du nouvel hémicycle, un bureau pour chacun des 180 députés du Parlement camerounais.
Quand ces édifices ne sont pas offerts par la Chine, ils sont financés via des prêts sans intérêts par des institutions financières chinoises. Et dans tous les cas, les constructions sont réalisées par des entreprises publiques chinoises recourant bien évidemment à une main-d’œuvre chinoise.
Comme la «générosité» du bienfaiteur n’a pas de limite et que les pays africains sont de grands quémandeurs, la Chine fournit généralement ses infrastructures clés en main avec tous les équipements nécessaires, comme ce fut le cas pour le siège de l’Union africaine.
Du coup, les ingénieurs en charge des équipements informatiques des édifices construits par la Chine ont la possibilité de créer des failles dans le système avec «des portes numériques dérobées (”backdoors”) qui donnent des accès discrets à l’intégralité des échanges et des productions internes, au même titre que le siège de l'institution panafricaine.
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Partant, cette crainte d’espionnage des palais des dirigeants africains est légitime quand on sait que Pékin est à l’origine de la construction de nombreux palais présidentiels, mais aussi des primatures, sénats, parlements et palais de congrès (Sénégal, Cameroun, Benin, etc.) un peu partout en Afrique.
Après tout, les Chinois, adeptes du concept «gagnant-gagnant» dans leurs relations avec l’Afrique, doivent aussi tirer profit des infrastructures coûteuses qu’ils offrent au continent. Et dans la guerre économique et géostratégique que se livrent les pays développés, l’information occupe une place centrale et le cyber-espionnage constitue le meilleur moyen d'accéder à des informations très confidentielles.
A ce titre, et à l’instar de ce qui s'est passé au siège de l’Union africaine, Pékin a toute latitude pour bourrer les palais présidentiels, palais de congrès et parlements africains avec des logiciels espions et autres gadgets. D’autant que les ouvriers chinois ont tendance à réaliser les infrastructures à l’abri des regards.
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En clair, l’espionnage du siège de l’Union africaine durant 5 ans par les Chinois qui ont offert ce bâtiment de 200 millions de dollars au continent doit faire comprendre aux Africains que rien n’est gratuit.
Seulement, aveuglés par la gratuité, les pays africains ne vont certainement pas refuser les dons de la puissante Chine. D’ailleurs, 80% du budget de l’Union africaine sont apportés par des bailleurs étrangers, dont l’Union européenne. Et la réforme visant à imposer à chaque pays africain de contribuer à hauteur de 0,2% de ses recettes d’importations hors Afrique à l’Union africaine ne semble pas enthousiasmer nombre de pays habitués à ne rien débourser du tout, tout en voulant faire fonctionner une institution très budgétivore. On comprend ainsi que la lutte contre le cyberespionnage restera le cadet des dirigeants africains.