Cameroun: près de 40.000 réfugiés nigérians forcés de rentrer dans leur pays malgré l’insécurité

Des milliers d'anglophones ont fui au Nigeria.

Des milliers d'anglophones ont fui au Nigeria.

Le 01/03/2019 à 15h12, mis à jour le 01/03/2019 à 15h13

Médecins sans frontières (MSF) exprime son inquiétude quant au sort qui sera réservé à ces personnes une fois de retour chez eux, et appelle les gouvernements camerounais et nigérians à les protéger.

Près de 40.000 personnes qui vivent dans des abris de fortune, depuis leur arrivée au Cameroun, sont aujourd’hui en train de quitter le pays «après qu’on leur ait demandé de rentrer chez eux», indique Médecins sans frontières (MSF) dans un communiqué publié voici deux jours, le mercredi 27 février 2019.

Selon l’organisation internationale humanitaire, ces personnes sont des habitants de la ville de frontalière de Rann, dans l’Etat de Borno au Nigeria.

Ils ont fui la ville à cause des exactions de la secte terroriste Boko Haram et ont trouvé refuge il y a trois semaines dans la ville camerounaise de Goura.

«Aujourd’hui, nous voyons des personnes faire leurs bagages et quitter Goura pour retourner à Rann, après que les autorités camerounaise et nigériane leur aient demandé de partir», déplore Stéphanie Rémion, coordonnatrice des urgences de MSF à Goura.

«Nous sommes extrêmement inquiets de ce qui va leur arriver de retour à Rann, où la situation sécuritaire est encore volatile et il n’y a pas d’assistance humanitaire. Rann a été attaqué à plusieurs reprises ces derniers mois et plusieurs des patients que nous avons traités à Goura nous ont dit avoir fui parce qu’ils avaient peur. Ils ne veulent pas retourner là-bas. Il y a eu des cas de rougeole à Goura et si ça se répand à Rann où il n’y a pas d’accès aux soins médicaux, ce sera un désastre», affirme-t-elle.

MSF appelle par conséquent les gouvernements du Cameroun et du Nigeria «à protéger ces populations vulnérables» et «à s’assurer qu’ils puissent être en sécurité à l’endroit de leur choix et qu’ils y aient accès à l’essentiel en termes d’abris, de nourriture et de soins médicaux».

Depuis l’année dernière, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) multiplie les appels demandant au gouvernement camerounais de cesser de procéder à de nouveaux retours forcés de réfugiés et de demandeurs d'asile nigérians.

«Le retour forcé des réfugiés et des demandeurs d'asile est une violation du principe de non-refoulement qui constitue la pierre angulaire du droit international des réfugiés auquel l'Etat camerounais est partie», soutient l’agence onusienne.

Le Cameroun, le Nigeria et le HCR ont signé en 2017, l'Accord tripartite pour le rapatriement volontaire des réfugiés nigérians du Cameroun.

Cet accord définit les modalités du retour volontaire des réfugiés dans leur pays d'origine, dans le respect de la sécurité et de la dignité. Yaoundé, de son côté, assure «appliquer à la lettre» cet accord.

Selon les données du HCR, le Cameroun héberge actuellement plus de 370.000 réfugiés, dont 100.000 originaires du Nigeria.

Par Tricia Bell (Yaounde, correspondance)
Le 01/03/2019 à 15h12, mis à jour le 01/03/2019 à 15h13