Il suffit d'en lever les yeux pour se convaincre que l'engagement pris par le Congrès national africain (ANC) au début de sa révolte contre le régime de l'apartheid est resté un vœu pieux.
Au pied du monument de briques qui célèbre la Charte de la liberté s'étend le bidonville de Kliptown. Un entrelacs de cabanes de bric et de broc créé en 1903 où s'entassent aujourd'hui 45.000 personnes, dans les conditions les plus précaires.
"Où est le confort ? Nous, on continue à pleurer", se lamente une des habitantes du quartier, Busi Hlatshwayo. "De toutes ces choses écrites ici, pas une seule n'a été réalisée."
Le manque de logements décents et la faillite des services publics (eau, électricité, assainissement) constitue l'un des principaux reproches adressés à l'ANC depuis qu'il a pris les rênes de l'Afrique du Sud à la chute du régime de l'apartheid en 1994.
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A quelques semaines des élections générales du 8 mai, pas une journée ou presque ne s'écoule sans qu'un quartier en colère n'érige des barricades et affronte la police pour exiger du gouvernement le respect de ces vieilles promesses.
Alexandra et Pennyville (Johannesburg), Khayelitsha (Le Cap), Gomorra (Pretoria) ou encore Steynsrus (centre), la saison des manifestations, souvent violentes, a atteint son pic ces derniers jours, nourrie par les promesses souvent non tenues des députés en campagne pour leur réélection.
A Kliptown aussi, l'impatience monte.
"Où sont les maisons gratuites ? Nos gamins vivent dans des cabanes. Les cabanes sont faites pour les poules", s'emporte Busi Hlatshwayo devant un alignement de toilettes extérieures. "Tout ça me met tellement en colère..."
Amertume
Un des responsables du quartier, Bob Nameng, accuse l'ANC d'avoir trahi la population et ses idéaux.
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"Je suis très amer. L'ANC est au pouvoir depuis tant d'années, on était tous partisans de l'ANC (...) mais aujourd'hui je ne veux plus en entendre parler", proclame-t-il depuis la véranda de sa maison. "L'ANC n'a jamais rien fait pour moi".
"C'était mieux sous l'apartheid parce qu'on avait du travail", claironne son voisin Josiah Nkosi, 69 ans, cigarette aux lèvres.
"On était viré un jour mais réembauché le lendemain ailleurs. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de boulot", ajoute-t-il, "ils font beaucoup de promesses mais rien ne vient".
Un peu plus loin, sous une passerelle qui enjambe la voie ferrée, Dingo, 42 ans, fume la chicha en ruminant la même rage.
"Tu parles d'un changement, c'est plutôt un désastre", grommelle l'ingénieur, au chômage depuis plus d'un an. "Il n'y aucune amélioration pour la communauté. Le gouvernement nous a trompés. Regardez l'état de nos routes", dit-il en pointant du doigt la chaussée percée de nids-de-poule.
Bombardé de critiques, le président du pays et de l'ANC Cyril Ramaphosa répond à grandes brassées de chiffres.
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De 1996 à 2017, la part de la population vivant dans un bidonville a reculé de 16 à 13,6%, selon l'Institut national de la statistique (StatsSA). Dans la même période, celle qui dispose de l'eau potable à son robinet a progressé de 43,9 à 46,7%, celle qui a accès à des toilettes modernes de 50,3 à 65,4%.
Foutus menteurs
Le gouvernement concède toutefois que de gros progrès sont encore nécessaires pour satisfaire les aspirations à un mode de vie occidental des 57 millions de Sud-Africains.
"Il existe des poches d'insuffisance. Nous devons redoubler d'efforts pour faire en sorte de nous y améliorer", explique la ministre des Services publics, Ayanda Dlodlo.
"Mais, même avec la meilleure volonté du monde, nous n'aurions pas pu inverser en vingt-cinq ans plus de quarante ans d'inégalités", plaide-t-elle, "aucun autre gouvernement n'aurait pu faire autant de changements que nous en vingt-cinq ans".
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Un sondage réalisé l'an dernier par Afrobarometer a effectivement révélé que le gouvernement avait été pour une majorité de Sud-Africains "bon" ou "plutôt bon" sur le front de l'amélioration de l'accès aux services publics de base.
Mais la population est encore loin de se satisfaire de leur qualité, s'est empressé d'ajouter l'institut.
"Si rien ne change dans les urnes (...) il y a aura plus de manifestations et ensuite, qui sait ?", a mis en garde cette semaine le chef de l'opposition Mmusi Maimane.
A Kliptown en tout cas, Busi Hlatshwayo n'en démord pas. La promesse d'une "vie meilleure pour tous" lancée en 1994 par le premier président noir du pays Nelson Mandela a été trahie.
"+Madiba+ (surnom de Mandela, NDLR) n'a rien fait pour cette communauté", fulmine-t-elle en fustigeant tous ses successeurs. "Foutus menteurs... ils ont les poches pleines d'argent et nous, pendant ce temps, on a faim.