Cameroun. Vacances scolaires: on raccroche l’uniforme, on revêt le tablier de commerçant

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Le 14/07/2019 à 13h31

A peine l’école terminée, plusieurs élèves sont contraints de se lancer dans une activité économique. Le gouvernement a pourtant ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques de protection des mineurs, et se débat depuis des années pour mettre un terme au travail des enfants.

Chaque année, c’est le même scénario: sitôt l’école terminée, les élèves troquent leur uniforme scolaire pour un tablier de commerçant.

Depuis quelques semaines, les rues de Yaoundé, la capitale, sont prises d’assaut par de jeunes vendeurs ambulants, qu’on rencontre dans les grands carrefours, les marchés, etc.

Certains poussent l’audace jusqu’à franchir les portes des administrations publiques pour tenter d'y vendre leurs produits.

Parmi eux, de très jeunes enfants, comme Jeannot, 7 ans à peine.

Ces enfants arpentent les rues même tard dans la nuit, un plateau sur la tête ou poussant un charriot à bras.

Ils égrènent le même refrain, au mot près, lorsqu’on leur demande pourquoi ils se sont lancés dans le commerce au lieu de profiter de vacances bien méritées, après 9 mois de durs efforts sur les bancs.

«C’est pour aider les parents à préparer la prochaine rentrée scolaire», disent-ils.

Ces jeunes élèves exercent cette activité au nez et à la barbe des autorités camerounaises, alors même que les lois en vigueur dans le pays interdisent le travail des enfants âgés de moins de 14 ans.

Le code du travail, par exemple, interdit le travail forcé ou obligatoire, et exclut l’emploi des enfants de moins de 14 ans ainsi que le fait de leur faire effectuer des travaux dangereux ou excédant leur capacités.

Ce code prévoit également des sanctions à l’encontre des auteurs de ces infractions.

Pauvreté

Par ailleurs, le Cameroun a ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques de protection des enfants, à l’instar de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE), dont le pays a célébré les 30 ans d’existence le mois dernier.

Selon des données officielles (Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun, 2007), le travail des enfants concerne 41% des enfants de 5 à 17 ans, soit plus de deux millions d'enfants camerounais. 

«Un enfant doit d’abord s’épanouir, jouer, vivre son enfance. Et vivre son enfance, ce n’est pas au travail», avait pourtant affirmé le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona, dans une de ses déclarations publiques.

Les autorités affirment également que la problématique du travail des enfants est une préoccupation prioritaire, comme en témoignent les nombreuses actions entreprises pour y mettre un terme, outre la batterie de textes législatifs pris dans ce sens.

Parmi ces actions, on peut citer la mise sur pied d’un comité chargé de la réflexion et des actions à mener sur le terrain, pour empêcher le travail des enfants.

Mais ce phénomène a la peau dure, surtout dans un contexte de pauvreté de la population.

C’est d’ailleurs l’un des prétextes souvent avancé par les parents pour justifier de cette situation, quand bien même ils sont conscients des dangers qu’ils font encourir à leur progéniture en les envoyant vendre dans la rue, au risque de les exposer à un accident de voiture, à une agression physique, à un viol, ire à un enlèvement.

«La protection sociale des enfants est une responsabilité collective. C’est pourquoi, dans notre ministère [des Affaires sociales, Ndlr], la sensibilisation demeure notre principale arme», explique-t-on dans ce département ministériel.

Pour l’heure, au Cameroun, seul le document-cadre de politique nationale de développement intégral du jeune enfant, validé en 2008, bien que limité à la petite enfance (de la naissance à l'âge de 8 ans), est le seul document de référence en matière d’orientations de protection holistique de l’enfant.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 14/07/2019 à 13h31