Cameroun: l'arnaque au carburant frelaté prospère dans les stations-service

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Le 16/09/2019 à 11h06, mis à jour le 16/09/2019 à 11h07

Cette escroquerie fait perdre plusieurs dizaines de milliards de francs CFA à l’Etat chaque année. Autrefois vendu sous le manteau par des particuliers, le carburant frelaté semble s'étendre davantage aux stations-service.

Comment s'assurer de la bonne qualité du carburant distribué dans les stations-service du pays? Cette question lancinante, les automobilistes camerounais, au moment où ils doivent faire leur plein, sont de plus en plus nombreux à se la poser. Et pour cause: ce carburant, frelaté, peut se révéler dangereux pour le moteur de leur véhicule. 

Le débat, qui date, a été relancé il y a quelques jours avec la découverte de carburant de mauvaise qualité dans une station-service du géant Total à Douala, la métropole économique du pays.

Cette découverte a été faite, par un curieux concours de circonstances, par Gaston Eloundou Essomba, le ministre de l'Eau et de l’Energie lui-même, alors qu'il s'apprêtait à faire le plein dans cette station, après avoir achevé une mission de travail dans la ville.

Le gasoil contaminé par de l'eau a empêché les véhicules de son cortège de redémarrer. Rien n'indique cependant qu'il s'agit d'un cas de fraude avéré, la contamination des cuves pouvant notamment avoir été faite lors des pluies qui sont tombées sur la ville ces derniers jours.

«C'est inquiétant. Le phénomène du carburant frelaté est connu. Mais pour minimiser les risques, nous nous tournions vers les grands marketeurs qui ont une présomption de meilleur service. S'ils s'y mettent aussi, ça deviendrait compliqué», confie ce taximan de Douala. 

Généralement, la dilution du carburant par les opérateurs véreux, soucieux d'augmenter leurs marges, se fait avec de l'eau, mais aussi du pétrole lampant ou encore certaines huiles.

L'escroquerie a probablement lieu durant le trajet entre la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), société chargée du stockage de ces produits, et les stations-service.

La SCDP, qui se décharge de toute responsabilité lorsque les camions et leurs contenus scellés sortent de ces dépôts, est formelle: une batterie de tests est effectuée pour s'assurer de la qualité de ces produits.

Fraude pétrolière

Conséquence: avec ce carburant frelaté, la casse du moteur et les pannes diverses et variées s'accumulent pour les véhicules des consommateurs.

Selon les experts du ministère de l'Eau et de l'Energie, la fraude et la pollution des produits pétroliers font perdre environ 50 milliards de francs CFA par an à l'économie camerounaise.

Pour réduire ces mélanges inappropriés, le gouvernement a pris l'initiative, il y a quelques années, de colorer le pétrole lampant en vert. Mais certains escrocs parviennent à le décolorer, d'où le marquage chimique mis sur pied en 2010.

Des opérations de pollution notamment favorisées par la vente illicite des produits pétroliers.

Il y a quelques jours, deux remorqueurs ont été saisis dans le quai d'accès du Port autonome de Douala, dans le cadre de la lutte contre la fraude pétrolière en mer et sur les côtes, dans la région du Littoral.

«Les deux pirogues, rattachées sur l'un des remorqueurs, contenaient des produits pétroliers provenant des soutes desdits remorqueurs. Une enquête préliminaire fait état de ce que les remorqueurs ont été surpris en opération de déchargement du carburant dans les pirogues mises en causes. L'infraction a donc été établie, à savoir la vente illicite des produits pétroliers», indique à ce sujet le ministre de l'Eau et de l'Energie, Gaston Eloundou Essomba, sur son compte Facebook, le mercredi 11 septembre dernier. 

Dans la partie septentrionale du pays, la vente de ce carburant frelaté ou de contrebande, communément appelé «zoua-zoua», est davantage étendue. Parfois, ce sont même des particuliers qui le vendent, à l'intérieur même de leur domicile.

Après sa malencontreuse découverte à Douala, le ministre de l’Eau et de l’Energie a instruit le respect strict des procédures de contrôle des produits pétroliers dans toutes les stations-service du Cameroun, ainsi que l’intensification des contrôles de qualité de l'ensemble des produits pétroliers, distribués sur l’étendue du territoire.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 16/09/2019 à 11h06, mis à jour le 16/09/2019 à 11h07