Après de premiers cas suspects du coronavirus dans l’île Maurice et en Côte d’Ivoire, c’est au tour des autorités kenyanes d’annoncer hier, mardi 28 janvier, la présence d’un cas suspect de coronavirus, à l’aéroport international Jomo Kenyatta à Nairobi. Il s’agit d’un étudiant chinois âgé d’une vingtaine d’années, qui a atterri au Kenya en présentant des symptômes apparentés à celui du coronavirus. Le jeune homme a rapidement été placé à l’isolement, à l’Hôpital national de Kenyatta, à Nairobi, la capitale.
Aujourd’hui, depuis l’annonce de cette épidémie, dont le foyer se trouve dans la ville de Wuhan, en Chine, un peu partout en Afrique, les ressortissants Chinois, ou ceux qui viennent d’arriver de Chine, sont devenus suspects.
Face à la crainte de contagion, tous les pays africains, dont certains ont encore vivement en mémoire l’épidémie d’Ebola, qui avait touché trois pays d’Afrique de l’Ouest –la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia–, ont rapidement pris leurs précautions pour faire face à l’arrivée éventuelle du virus.
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Partout, les aéroports des capitales et des grandes villes africaines sont en état d’alerte, tout particulièrement à l’arrivée de vols en provenance d’Asie, particulièrement de Chine et de Dubaï, hub et passage obligé de nombreux voyageurs africains résidant en Chine, ainsi que de Chinois installés en Afrique.
Des équipes sanitaires accueillent les passagers à leur sortie d’avion, et en plus de la prises de leur températures à l’aide de caméras thermiques pour détecter chez eux une éventuelle fièvre, le lavage de leurs mains à l’eau chlorée est aussi une étape obligatoire.
Toutefois, malgré ces mesures prises un peu partout, les pays d’Afrique ne sont pas vraiment outillés pour être à même de faire face à une éventuelle contamination de leurs habitants, contrairement aux pays développés, à l’instar de la France, des Etats-Unis, du Japon ou encore de l’Allemagne, qui enregistrent d’ores et déjà plusieurs cas de personnes atteintes du coronavirus chinois sur leur sol, en dépit des mesures qu’ils avaient prises.
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L’arrivée du virus en Afrique du continent n’est donc qu’une question de temps, à moins que, fait très improbable, un vaccin rapide ne soit trouvé, et qu’une opération de vaccination à grande échelle ne soit organisée et freine la propagation du virus.
En attendant, une conjugaison de facteurs, mis ensemble, laissent craindre une propagation rapide d’une épidémie de coronavirus sur le continent. En premier lieu, les liaisons aériennes entre la Chine et le continent africain se sont multipliées au cours de ces dernières années, dans le sillage du développement rapide des relations Chine-pays d’Afrique.
A ce titre, l’Organisation mondiale de la santé souligne que les pays les plus menacés par le coronavirus sont ceux dont les aéroports font office de hub aériens à destinations de la Chine. C’est notamment le cas de l’Ethiopie, du Kenya, de l’Afrique du Sud, du Nigeria et, dans une moindre mesure, du Maroc et de la Côte d’Ivoire.
Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, est la première porte d’entrée sur l’Afrique, grâce au hub que constitue l’aéroport international de Bole et aux lignes aériennes mises en place par la compagnie nationale du pays, Ethiopian Airlines. Aussi, en prévision de l’arrivée des premiers cas de personnes atteintes de coronavirus, les autorités éthiopiennes ont mis en place un certain nombre de mesures, dont un centre d’isolement équipé.
Ethiopian Airlines dessert en effet au moins 4 villes chinoises, et assure de 6 vols directs quotidiens à destinations de Pékin, Shanghai et Canton.
Ensuite, la Chine étant devenu le premier partenaire économique de l’Afrique, le nombre de Chinois résidant sur le continent ne cesse d’augmenter, et les va-et-vient de ceux-ci entre la Chine et plusieurs pays d’Afrique constitue aussi un facteur de risque à ne pas négliger.
Par ailleurs, les étudiants africains en Chine ont vu leur nombre sensiblement croître depuis quelques années, et ceux-ci avoisineraient aujourd’hui près de 100 000 personnes. Certains se trouvent d’ailleurs dans la ville de Wuhan même, et souhaitent revenir dans leurs pays, en attendant que la situation se calme. Ceux-ci constituent donc également une source de risque.
D’ailleurs, le cas suspect détecté en Côte d’Ivoire concerne une étudiante ivoirienne de 34 ans, qui vivait en Chine depuis 5 ans, et qui est rentrée en Côte d’Ivoire le 26 janvier dernier, alors qu’elle était en proie à un accès de fièvre, avant d’embarquer pour son pays.
Ce sont les caméras thermiques installées à l’aéroport Houphouët-Boigny d’Abidjan qui ont détecté son cas, avant qu’elle ne soit acheminée dans une «cellule de pandémie», à l’intérieur même de l’aéroport. Par cette mesure d’isolement, la Côte d’Ivoire n’a fait qu’activer un process préventif qui existait dans le pays depuis 5 ans, époque du déclenchement de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest.
Enfin, face à l’épidémie, certains pays africains ont décidé de rapatrier leurs ressortissants actuellement encore bloqués à Wuhan. C’est le cas du Maroc qui compte rapatrier une centaine de ses ressortissants établis dans cette ville, épicentre de cette épidémie. Les Marocains de Wuhan, qui doivent être de retour dans leur pays dimanche prochain, vivent reclus dans leur appartement de crainte d’être touchés par l’épidémie, comme le reste des habitants de cette ville chinoise. Toutefois, ces rapatriements peuvent constituer des risques pour les pays qui ne sont pas bien équipés.
Pour certains, le fait qu’aucun cas de coronavirus n’ait encore été détecté en Afrique jusqu’à présent relève du miracle. D’autres pensent qu’il est possible que des cas soient entre-temps passés entre les mailles du filet, du fait de l’état de contrôle défaillant de nombre d’aéroports de pays d’Afrique. En outre, il faut aussi souligner la volonté des pays d’éviter d’annoncer rapidement la présence du virus à leur population, afin d’éviter un vent de panique parmi ceux-ci, mais aussi la fuite des touristes pour certains pays à vocation touristique.
Dans tous les cas, le risque que le virus puisse atteindre le continent africain, après l’Amérique, l’Océanie et l’Europe, est réel. En effet, si les pays développés ont les moyens de contenir le coronavirus, de traiter les malades, c’est loin d’être le cas pour les pays africains, à l’exception de quelques-uns qui sont dotés de structures sanitaires adéquates. En conséquence, si l’épidémie se déclare, il sera difficile de la contenir.
Le problème, c’est que de nombreux pays du continent ne disposent pas de kits de diagnostic suffisants. Il devient donc urgent que l’OMS et les différents Centers for Disease Contrôle and Prevention (CDC), relevant de la principale agence fédérale des Etats-Unis pour le contrôle et la prévention des maladies, travaillent de concert et de manière rapprochée avec les fabricants de ces kits pour les rendre disponibles sur le continent africain, aussi rapidement que possible.
Ensuite, le déficit en structures sanitaires adéquates fait qu’une telle épidémie, une fois qu’elle aura touché le continent, sera difficile à circonscrire dans nombre de pays africains.
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En attendant, le coronavirus se propage rapidement en Chine. Plus de 6.000 personnes y sont déjà contaminées, et l’épidémie a déjà fait 132 morts. Ce nombre dépasse désormais le nombre d’infections enregistrées lors de l’épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) de 2002-2003, qui avait fait 774 morts dans le monde, dont 349 en Chine.
Outre la Chine, un peu plus de 15 pays sont désormais atteints. Les premiers cas de transmissions entre humains, en dehors de Chine, ont été enregistrés en Allemagne et au Japon. Les Emirats arabes unis ont également rejoint la liste des pays touchés par le virus.
Face à cette situation, certains pays ont pris des mesures radicales pour se prémunir. C’est le cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui refuse désormais sur son sol tout voyageur étranger en provenance d’Asie.