Coronavirus. Les Camerounais peinent à changer de comportement

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Le 22/03/2020 à 07h46, mis à jour le 22/03/2020 à 18h22

Les mesures prises par le gouvernement pour faire face au Covid-19 ont modifié le quotidien de la population dans le pays. Mais pour la grande majorité des habitants, les consignes sont peu suivies et les mauvaises habitudes perdurent, au grand dam des autorités locales.

Comme annoncé le mardi 17 mars 2020, date à laquelle le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, a expliqué la batterie de mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la propagation du coronavirus, des patrouilles de police sillonnent les rues des villes du pays afin de s'assurer de la fermeture des débits de boisson, des restaurants et d'autres lieux publics et de loisirs à 18 heures.

Le vendredi 20 mars dernier, quelques retardataires sirotaient encore un dernier verre au lieu-dit Enia, à Bertoua, capitale régionale de la région de l'Est.

"Chef, on vide et on part", tente de négocier l' un de ces clients.

Si cette mesure est globalement appliquée, elle passe difficilement auprès des consommateurs et des tenanciers de bars.

"18 heures, c'est l'heure d'affluence. On va donc faire comment pour payer le personnel et les impôts?", grommelle un propriétaire.

Et de fait, nombreux sont les tenanciers de bars et de restaurant qui trouvent des astuces pour continuer à recevoir leurs clients.

Certains rouvrent discrètement leur local après le passage de la patrouille de police. Leurs clients sont cependant enfermés à l'intérieur, afin de ne pas attirer l'attention.

Il faudra cependant consommer ses boissons sans musique, et, surtout, ne pas parler trop fort.

D'autres clients cherchent les bars les moins proches des routes principales.

"C'est plus difficile pour la police de descendre jusqu'au fin fond des quartiers. Là-bas, on a plus de chance de rester ouvert après 18 heures", murmurent quelques "initiés", en toute inconscience.

En ce qui concerne les établissements scolaires, fermés depuis le mercredi 18 mars 2020, certains enseignants tentent de maintenir le contact avec leurs élèves par e-mail, et via des groupes créés sur l'application WhatsApp, dans lesquels ils envoient des devoirs à faire à leurs élèves ou à leurs parents, en ce qui concerne les plus petits.

C'est notamment le cas des instituteurs de l'école primaire La Grâce, à Yaoundé, la capitale.

Pour ce qui est de la circulation urbaine, les automobilistes ont été invités par les autorités locales, chargées d'appliquer les mesures décidées par le gouvernement, à éviter les surcharges.

La grande majorité des automobilustres font toutefois la sourde oreille, et la circulation ne désemplit pas dans la capitale.

Les chauffeurs des taxis de Yaoundé, "les cabines avancées", qui transportent plusieurs clients dans une promiscuité potentiellement dangereuse en raison des risques de contamination, continuent à exercer leur activité. 

Deux passagers sont assis à l'avant, à côté du chauffeur. Parfois à l'arrière, il y a quatre personnes, au lieu de trois personnes que définit la règlementation pour ce type de transports en commun.

"La mesure est bonne. Mais le prix du carburant n'a pas pour autant baissé. Ni le montant de la recette que je dois verser au patron en fin de journée", explique Hervé Abanda, chauffeur d'une "cabine avancée". 

Toujours dans la capitale, des clients tentent bien, parfois, de tenir tête aux chauffeurs de ces taxis en refusant de se «serrer», et de subir cette promiscuité contrainte, ce qui est souvent, à Yaoundé, la cause de nombreuses disputes entre certains chauffeurs et leurs clients.

Dans les marchés, les changements édictés par le gouvernement n'ont pas véritablement modifié les habitudes.

Afin d'éviter au maximum que les personnes venues faire leurs courses se retrouvent trop proches les uns des autres, il devient nécessaire de restructurer les marchés en secteurs, sur des sites spécifiques de vente de produits, par catégories. 

Mais cette organisation, reste pour l'heure désordonnée dans la plupart des places marchandes de Yaoundé et d'autres villes. 

Par ailleurs, des heures d'ouverture et de fermeture de la plupart des points de vente ont été adoptées.

Le calendrier défini par les autorités prévoit le nettoyage des lieux, entre 5 et 7 heures tous les matins, et entre 16 et 18 heures tous les après-midi, alors que les marchés resteront ouverts au public entre 7 et 16 heures, afin de permettre aux consommateurs de s'approvisionner.

Malgré les plans de circulation préconisés, la plupart des marchés restent bondés. Sur le plan de l'hygiène et de la salubrité, le port des gants et des masques par les vendeurs est encore loin d'être entré dans les habitudes. "Qui va payer ces dépenses supplémentaires?", se demande l'un des travailleurs d'un marché de Yaoundé. 

"Les prix des masques de protection contre la propagation du coronavirus ont augmenté, et il faut en porter au moins deux à trois par jour", se plaint une vendeuse de tomates, dans le quartier de Biyem-Assi de la capitale.

Autant d'insuffisances, que dénonce, dans un communiqué, le Réseau national des consommateurs du Cameroun, une association de défense des consommateurs, qui appelle à dénoncer certains comportements, tout particulièrement celui de certains commerçants sans scrupules, qui spéculent sur les prix des produits les plus demandés en cette période.

Cependant, dans les grandes surfaces, des solutions hydro-alcooliques ou des gels désinfectants sont imposés aux clients à l'entrée des magasins. Quant aux magasiniers et aux caissiers, tous portent des masques de protection et des gants en latex. 

Idem dans les locaux de l'administration publique, où des désinfestants ont été installés pour les usagers. Certains ministères ont réduit leurs services et privilégient les moyens de communication digitaux.

Le ministère de la Fonction publique a fermé la Maison des Usagers, administration chargée d'informer et de renseigner les citoyens. 

«Cependant, le ministre tient à rassurer les usagers sur la continuité du service de renseignement relatifs à l'évolution de leurs différents dossiers, qui se fait désormais via les moyens de communications électroniques disponibles», indique un communiqué de ce ministère. `

Quant aux cérémonies funéraires, d'ordinaire bondées, désormais seules une quinzaine de personnes sont acceptées dans les hôpitaux pour les levées de corps, selon les rites chrétiens ou musulmans, mais les cérémonies ne doivent pas durer plus de 15 minutes. 

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 22/03/2020 à 07h46, mis à jour le 22/03/2020 à 18h22