Plus de 200 personnes sont officiellement décédées au Cameroun depuis le début de l’épidémie de coronavirus (Covid-19) le 6 mars dernier dans le pays.
Dans la plupart des cas, les dépouilles ne sont pas restituées aux familles et inhumées au plus tard dans les 12 heures après le constat du décès, pour éviter des contaminations dues à la manipulation des corps.
La cérémonie d'inhumation se déroule parfois en l’absence des proches du défunt. C'est là une douleur supplémentaire pour la famille, privée de funérailles, et qui vit mal cette situation.
Dans l’opinion publique, des voix se sont élevées pour décrier la manière dont les personnes décédées des suites de Covid-19 sont enterrées, jugeant ces inhumations "bâclées" et "humiliantes" au regard des traditions.
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Certains ont même usé de subterfuges, de corruption et/ou de violence pour récupérer les corps de leurs proches afin de leur assurer une sépulture "digne", apprend-on.
Pour atténuer la souffrance des familles, le Conseil scientifique des urgences de santé publique (CSUSP) a fait une série de recommandations à l’issue de sa session du 22 mai dernier. Le Conseil recommande ainsi que les corps Covid-19 soient inhumés dans un délai n’excédant pas 48 heures, "dans le respect de la dignité humaine et de leurs traditions culturelles et religieuses", n’impliquant toutefois pas de contact physique.
Pour les membres de cette instance, les familles doivent "préalablement et dûment" être informées de la cause du décès et autorisées à voir le corps avant toute mise en bière, et à assister en "nombre restreint" à l’inhumation, dans le respect des "précautions standards".
Selon cette procédure, le corps doit être placé dans "un cercueil hermétique, fermé et zingué, avec ou sans vitre encastrée", permettant à la famille de voir le visage du défunt. L’inhumation doit s’effectuer dans la ville de survenance du décès, au domicile familial s’il y est situé ou dans un cimetière public. Le transfert de la dépouille en dehors de la ville de survenance du décès doit être proscrit.
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Le Conseil scientifique insiste sur le fait que la manipulation et l’inhumation des corps doivent être exécutées par les personnels techniques "formés et protégés" conformément aux procédures standards en la matière.
L’inhumation des personnes décédées des suites du Covid-19 dans les heures suivant le décès s’explique par des raisons sanitaires.
"Pour les corps déclarés Covid-19, la procédure veut qu’ils ne soient pas déplacés et qu’ils soient enterrés dans les heures qui suivent. Avec une épidémie comme celle-ci, on ne peut pas autoriser un enterrement normal parce qu’on ne sait pas quel est le degré de contagion du corps. Généralement, les corps sont plus contagieux que lorsque le sujet est vivant", explique l’un des médecins du Centre des opérations des urgences de Yaoundé.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chez les patients décédés de grippe pandémique, "seuls les poumons peuvent être contagieux s’ils ne sont pas manipulés correctement au cours d’une autopsie".
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L’OMS rappelle que "la dignité des défunts, leurs traditions culturelles et religieuses, et leurs familles doivent être respectées et protégées" tout au long du processus de prise en charge. Le sociologue Claude Abé estime qu’en Afrique, les familles ont besoin de faire leur deuil avec le corps du défunt.
"Pour l’Africain, les veillées mortuaires sont un moment rituel important où l’on entend non seulement montrer sa sollicitude et sa compassion à la famille éplorée, mais aussi un rituel de séparation avec le défunt où on se remémore les moments avec ce dernier. Et c’est toute une économie de la vie qui se joue autour de cela. Du point de vue culturel, on devra désormais faire un second deuil à l’intérieur du deuil", dit-il.