Alors que la Fashion Week homme vient de s'achever à Paris, capitale mondiale de la mode le temps d'une semaine, à Oyem (7500 km plus au sud), une centaine de Congolais font de l'ombre aux plus grands couturiers avec un uniforme pas comme les autres.
Porté en chemisier, pagne ou pantalon, le tissu bleu avec des fleurs aux pétales jaunes et au coeur rouge -- couleurs du drapeau national -- frappé de petits léopards sur la poitrine et sur les flancs, et accompagné de slogans patriotiques en lettres rouges sur fond blanc, a frappé les esprits.
"C'est le gouvernement qui a pris des mesures importantes pour que les Léopards remportent la CAN, expose à l'AFP le ministre des ports de la RDC Willy Bakonga. Le transport, l'hébergement, l'accoutrement... tout a été pris en compte non seulement pour l'équipe mais aussi pour les supporters, car on sait que les supporters peuvent influencer la prestation des joueurs et par conséquent les résultats".
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"A chaque fois qu'il y a une participation de la RDC à une compétition internationale, le gouvernement met des moyens pour habiller les supporters. C'est une forme d'uniforme", confirme à l'AFP Dickson Yala, journaliste congolais présent sur place qui porte lui-même la tenue en question, tout en rappelant que "la mode fait partie intégrante" de la culture du pays.
Point' supplémentaire face aux adversaires
"Les adversaires quand ils nous voient élégants comme ça, sur le plan psychologique ça marque un point ! Nous les battons déjà sur le plan de l'élégance et après nous attendons (que cela soit) pareil sur le terrain", souligne Antoine-Pierre Loji Kazadi, professeur de 50 ans, croisé avec son fils dans la même tenue lors du match contre la Côte d'Ivoire (2-2).
Difficile de le contredire. Car si le kop malien a été de loin le plus bruyant dans le Nord du Gabon, le kop togolais le plus homogène dans un style carnaval, ou le kop ivoirien le plus ingénieux dans ses déguisements avec notamment un homme-éléphant, c'est bien celui de la RDC qui remporte tous les suffrages.
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"Ils ont la classe! Pour eux, peu importent les circonstances ou l'endroit, il faut garder une certaine prestance", explique à l'AFP Redouane Behache, comédien de 32 ans connu sur la toile pour son rôle de "Pitchou de Castelbajac", qui parodie un exubérant "sapologue" congolais.
"C'est la fête! Ça ne s'arrête jamais, c'est un pays joyeux. Pour eux, le maquillage fait peur. Pour encourager les Léopards, ils ne faut pas leur faire peur (rires)", ajoute-t-il.
C'est dans le sang
Dandysme à l'africaine, la "Sape" (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) est un mouvement de mode populaire né au Congo-Brazzaville – alors colonie française – après la fin de la Seconde guerre mondiale. Le mouvement a connu son essor sur les deux rives du fleuve Congo dans les années 1960 après la décolonisation.
En RDC, la "Sape" a été popularisée et incarnée par des vedettes de la chanson comme le légendaire Papa Wemba, décédé en avril dernier, qui lui donneront un côté extravagant.
"Dans chaque coin de Kinshasa, vous trouverez un couturier, un styliste. Bien s'habiller est la chose la plus normale qu'un Congolais puisse faire. A partir de 17H00, vous vous dites même : +C'est Kinshasa Fashion Week ou quoi ?+", appuie Dickson Yala.
"C'est normal, c'est dans le sang! C'est comme ça depuis la nuit des temps. J'ai grandi dedans, je suis habitué à cela donc c'est devenu normal", confie Neeskens Kebano, le N.10 des "Léopards" en zone-mixte.
"Foot, mode, musique et religion, ça c'est le Congo", confirme à l'AFP le sélectionneur Florent Ibenge. "On a une population qui ne passe pas des moments faciles (en raison de la crise politique, NDLR), et en ce moment leur joie, c'est le football. Aujourd'hui, je suis heureux parce que tout le pays est heureux. Et ce petit bonheur-là, vous ne pouvez pas imaginer comment cela fait du bien". Pour l'ambiance, globalement morne de la compétition, aussi.