La nouvelle est tombée. Après le symposium de la Confédération africaine de football (CAF) à Rabat au Maroc, le Comité exécutif de l’instance dirigeante du football africain a modifié le cahier de charges de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).
Entre autres, avec le passage à une CAN à 24 équipes dès l'édition de 2019, organisée par le Cameroun, avec un tournoi qui devra se disputer entre les mois de juin et juillet. Ce qui devrait impliquer un alourdissement du cahier de charges avec un passage à six villes hôtes au lieu de quatre. Dans le cahier de charges initial, les infrastructures sportives par site devaient être constituées d’un stade de compétition et de cinq terrains d’entraînement.
Le changement est diversement apprécié. «C’est une bonne initiative de faire basculer le nombre de pays de 16 à 24. C’est bien que le Cameroun soit le premier pays à l’expérimenter. Les joueurs seront désormais libre pendant la période de juillet, contrairement à la précédente configuration», affirme Jean-Paul Akono, ancien sélectionneur national.
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Autre point positif, le fait que la compétition aura lieu aux mois de juin-juillet 2019. Ce qui implique que les stades d’Olembé (Yaoundé) et Japoma (Douala), devraient être livrés dans les temps. En principe en décembre 2019, pour ce qui est du stade d’Olembé, selon les ingénieurs de l’entreprise italienne Piccini, en charge des travaux.
Mais l’inquiétude se fait davantage ressentir au niveau de la quantité des infrastructures désormais demandées. Sur les ondes de la radio nationale, le président de la fédération camerounaise de football, depuis le Maroc, a déclaré qu’un groupe de travail sera mis sur pied pour permettre au Cameroun de répondre au nouveau cahier de charges.
«Nous sommes dans un monde de droit et nous n’allons pas changer les règles du jeu en cours de route. La CAN de 2019 est engagée et la phase des éliminatoires a débuté. Passer de 16 à 24 équipes, c’est une décision du Comité exécutif et nous en prenons acte. Une CAN engendre beaucoup de choses, avec entre autres, les infrastructures hôtelières, routières, aéroportuaires, hospitalières et sécuritaires. Cet ensemble fait que le gouvernement du Cameroun s’était engagé sur la base de l’ancien cahier des charges pour 16 équipes. Maintenant, il va falloir passer à 24 et il faut un nouvel engagement de notre gouvernement. Nous allons rentrer et discuter avec les plus hautes autorités de notre pays», a déclaré le président de la Fédération camerounaise de football sur RFI.
Tombi à Roko reste néanmoins serein. «Une CAN à 24 ne menace aucunement l’organisation camerounaise. Nous serons prêts. Aujourd’hui, nous avons une très bonne occasion de montrer aux yeux du monde entier que nous sommes un grand pays», a-t-il ajouté.
Le ministre des Sports et de l’éducation physique, Bidoung Mkpatt, dans un point de presse cette semaine, avait réaffirmé que l’organisation de la CAN 2019 était une «cause nationale» pour le pays. Mais c’était avant les changements opérés par la CAF. «Au niveau des équipes, mon sentiment est mitigé. Concernant le cahier de charges, le Cameroun est en mesure de livrer ses stades. Il y en aura quatre à Yaoundé et Douala (deux dans chaque ville). Il y a aussi deux autres stades à Limbé et Bafoussam. Mais s’il est question de sites de compétition (dans des villes différentes), ça sera plus compliqué», pense Thierry Metomo, manager d’un club de première division, dans le championnat camerounais.
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Si la contrariété pointe dans le sentiment général, les dirigeants approchés affichent tout de même leur sérénité. Même si dans l’opinion publique, on a l’impression que la CAF veut «retirer élégamment» l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun au profit d'un autre pays.
«Le Cameroun peut organiser la CAN 2019, même avec 24 équipes et il va le faire. Juridiquement, ce n’est pas ce qui était prévu et la CAF ne peut pas opérer de retrait en invoquant ces changements, surtout en si peu de temps. Le rôle de la CAF, contrairement à ce que pensent certains, est d’accompagner le pays organisateur, pas de réprimer. Il s’agit de se concerter et réajuster tant que nécessaire, les stratégies pour assurer le succès de la compétition. Ensemble, nous trouverons des solutions», confie un cadre du ministère des sports.
Dans l’opinion publique, on a l’impression que la CAF veut «retirer élégamment» l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun. Ce, d’autant plus que l’Algérie et le Maroc ont exprimé leur intérêt avant que la nouvelle donne ne soit entérinée par la CAF. Du côté de la FIFA, les changements opérés pour la Coupe du monde n’entreront en vigueur qu’en 2026. Alors pourquoi cette précipitation?
«Je suis choqué par la manière avec laquelle le Cameroun est traité par la CAF! C'est de l'arbitraire et de l'abus d'autorité! On ne modifie pas unilatéralement un contrat liant deux parties sans que cela soit justifié par la survenance d'un cas de force majeure. C'est insupportable pour le citoyen camerounais que je suis. Ça ne devrait pas se passer comme cela et ça ne doit pas se passer comme cela. On mérite plus de respect malgré nos propres turpitudes», déclare Abdouraman Hamadou, président d’Etoile filante de Garoua, un club local.
Face à la crainte de perdre l'organisation de la CAN 2019, on évoque la possibilité d’une co-organisation avec le Nigeria ou le Gabon, «pays frère» qui a accueilli la CAN 2017.
D’ailleurs, dans l’esprit de la CAF, en augmentant le nombre de pays participants à la CAN, il s’agissait du reste de favoriser les organisations conjointes. Peu de pays sur le continent pouvant en effet se targuer de pouvoir accueillir seuls une CAN à 24. Selon le Comité exécutif de la CAF, la première mission d’inspection sera conduite au Cameroun au mois de septembre.