Le transport aérien est au cœur des enjeux en Afrique. Malgré les ratés de certaines expériences régionales, à commencer par celle d’Air Afrique (1961-2002), compagnie regroupant 11 pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale, tous les pays ou presque s’étaient engagés à développer leurs pavillons domestiques. Toutefois, à cause d’une multitude de facteurs (étroitesse des marchés, règlementations rigides, problème de management, etc.), de nombreuses expériences se sont soldées par des échecs.
Néanmoins, actuellement, outre les majors africains du secteur (Ethiopian Airlines, EgyptAir, South African airlines, Royal Air Maroc, Air Algérie, Kenyan airlines et dans une moindre mesure Tunisair), trois nouvelles compagnies aériennes suscitent l’attention. Il s’agit de RwandAir, d'Asky Airlines et d'Air Côte d’Ivoire. Trois petites compagnies qui affichent des ambitions d'expansion régionale et même internationale qui ne manqueront pas de bouleverser la hiérarchie au sein du transport aérien en Afrique, notamment au niveau des régions d'Afrique de l’Ouest, d'Afrique centrale et d'Afrique de l’Est, mais peut-être aussi au-delà.
RwandAir: une petite compagnie aux ambitions débordantes
A l’instar de la dynamique économique que connaît le Rwanda de Paul Kagame, RwandAir afichet une croissance exceptionnelle. Créée en décembre 2002, la compagnie publique rwandaise est devenue, en l’espace de 15 ans, l’une des compagnies les plus en vue du continent.
RwandAir est une petite compagnie aérienne qui dessert actuellement 19 destinations régionales et internationales à partir de sa plateforme de Kigali. La compagnie, qui était cantonnée au départ aux pays de l’Afrique de l’Est, dessert depuis l’Afrique centrale et a lancé une offensive sur l’Afrique de l’Ouest en reliant plusieurs capitales de la région: Bamako, Cotonou, Abidjan, Conakry, Dakar, etc. Aujourd’hui, RwandAir est l’une des rares compagnies aériennes du continent à relier quatre des cinq régions africaines: Afrique de l’Est, centrale, de l'Ouest et australe.
La compagnie a transporté 500.000 passagers en 2014, 600.000 en 2015 et ambitionne d’atteindre 1.000.000 de passagers en 2017, grâce aux nombreuses nouvelles destinations ouvertes.
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RwandAir affiche aussi des ambitions hors Afrique. Après Dubaï, la compagnie dessert Mumbaï (Inde) et devrait relier trois capitales européennes –Londres, Paris et Frankfort- et Canton (Chine) dès cette année. La liaison avec Londres étant prévue à partir de fin mai prochain.
Avec ce maillage, elle ambitionne de faire de Kigali un hub régional de premier plan.
Pour réaliser ses ambitions de développement, RwandAir a renforcé sa flotte avec les acquisitions de Boeing 737-700, de Boeing 737-800, et d'Airbus A330-300 et A330-200, portant celle-ci à 14 appareils à fin 2016.
Avec le développement de la compagnie publique, le Rwanda escompte atténuer son enclavement et surtout ouvrir davantage le pays au tourisme, stimuler les exportations locales et contribuer à faire de Kigali un hub en matière de services dans le cadre de la «Vision 2020».
Asky Airlines: les ailes d’Ethiopian Airlines en Afrique de l’Ouest
Créée en 2008, Asky Airlines est aujourd’hui incontestablement le leader du transport aérien en Afrique de l’Ouest et centrale en termes de réseau.
Ayant l’aéroport international de Lom-Tokoin pour plateforme de correspondance, la compagnie aérienne panafricaine, souhaitée par les pays de la CEDEAO –Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest- et matérialisée par une alliance stratégique avec la première compagnie aérienne africaine, Ethiopian Airlines, Asky Airlines affiche la croissance la plus rapide du continent.
Elle relie actuellement la plateforme régionale de Lomé à 22 capitales d’Afrique de l’Ouest et centrale. En 2016, elle a transporté un peu plus de 520.000 passagers au niveau de la région avec 174 vols hebdomadaires.
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Outre le partenariat stratégique et technique avec Ethiopian Airlines, actionnaire de référence de Asky Airlines, la compagnie jouit du bon positionnement stratégique de son hub de Lomé à mi-chemin entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, permettant une parfaite interconnexion entre les deux régions. En outre, grâce à ce hub, la compagnie fait bénéficier ses passagers des connexions avec le reste du monde offertes par Ethiopian Airlines.
La flotte de la compagnie est composée de 4 Boeing (Boeing 737-800 et Boeing 737-700 nouvelles génération) et 4 Dash9 Q400 nouvelle génération d’une moyenne d’âge de 4 ans.
A noter qu’en plus d’Ethiopian Airlines, Asky Airlines compte dans son tour de table Ecobank BOAD –Banque ouest-africaine de développement-, BIDC –Banque d’investissement et de développement (CEDEAO)- et des investisseurs privés.
Air Côte d’Ivoire: le leader ouest-africain
Basée au niveau de la plateforme de l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, Air Côte d’Ivoire créée en mai 2012 est aujourd’hui le principal concurrent d’Asky Airlines au niveau de la région ouest et centre-africaine avec un réseau reliant actuellement 19 pays de la région depuis Abidjan.
Pour cela, elle bénéficie de son partenariat stratégique et capitalistique avec Air France-KLM et surtout d’une véritable volonté du gouvernement ivoirien de faire d’Abidjan un hub aérien régional.
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Cette volonté s’est traduite par une forte hausse du trafic de passagers au cours de ces dernières années. Le nombre de passagers transportés a ainsi augmenté de 50% en 2015, par rapport à 2014, pour atteindre 604.000 voyageurs, avant de croître de 16% en 2016 pour s’élever à 700.000 passagers.
Pour accompagner cette croissance, Air Côte d’Ivoire compte renforcer sa flotte composée actuellement de 10 appareils, dont 4 Airbus A319, 2 Airbus A320 de 150 places et 4 bombardiers Dash8 Q400 nouvelle génération. Elle a ainsi passé une commande ferme de 3 Airbus A320Neo et 2 A320Ceo. Ainsi, avec une flotte de 15 appareils, Air Côte d’Ivoire compte défendre crânement sa place au niveau de la région ouest-africaine où la concurrence est rude et ouvrir de nouvelles lignes au-delà de l'Afrique de l’Ouest et centrale.
Le capital d’Air Côte d’Ivoire est détenu par l’Etat ivoirien à hauteur de 55,80%. Le reste étant réparti entre le fonds d’investissement ivoirien Golden Road Investment (15%), Air-France-KLM (10,8%), BOAD (7,7%) et privés (10,7%).
Ainsi, si les trois compagnies aériennes affichent clairement leurs ambitions et se concurrencent sur des marchés dynamiques, il est certain qu’elles vont au final affronter les majors du secteur de transport aérien africain. C’est dire que la concurrence s’annonce rude au niveau du ciel africain et ce d’autant plus que d’autres pays comptent relancer leur pavillon, comme c’est le cas du Sénégal, du G5 Sahel et tant d’autres pays. Reste à savoir si le marché régional est à même d’absorber autant de compagnies tout en leur permettant d’assurer leur rentabilité et leur pérennité. RwandAir semble avoir compris qu’il faut aller au-delà du continent en étendant son réseau à l’Europe et à l’Asie. Les autres sont obligés de suivre pour faire face à l’étroitesse du marché africain.