C’est une ruée quasi générale qu’il est donné de voir ces dernières années en Côte d’Ivoire vers les sociétés d’agribusiness. Ces entreprises, dont Gram’s, Agromix (monhevea.com), Agrizinet, Agro Finances, etc., ont mis en place un système d’investissement agricole qui offre un rendement double, voire plus, en quelques mois.
Le dénominateur commun à ces entreprises est qu’elles promettent toutes de réaliser des champs clé en main pour le compte de souscripteurs. Des fermes qu’elles promettent de créer avec l’argent recueilli, qu’elles exploitent jusqu’à la commercialisation de la récolte avec, en prime, des plus-values mirobolantes.
Le modèle économique
«C’est une offre d’affaires qui consiste à verser une somme d’argent à Monhevea.com pour la réalisation d’une production agricole selon la culture en cours (très souvent des cultures vivrières et maraîchères) pour des personnes qui n’ont pas le temps matériel de le faire. Ensuite, nous entretenons et exploitons lesdites plantations, puis nous partageons avec le client le fruit de la commercialisation des récoltes», a résumé dans une interview en octobre dernier Christophe Yapi, PDG du conglomérat Agronomix, leader dans le secteur via sa filiale Monhevea.com.
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A titre d’illustration, pour la création d’un hectare de tomate de l’espèce Sanzana F1, les personnes intéressées versent comme montant de souscription de 1,8 million FCFA, soit 2.744 euros. Après exactement 6 mois et deux semaines d’exploitation, le client perçoit un revenu de 6,05 millions FCFA, soit 9.223 euros. Ce qui représente un retour sur investissement de 236% en un semestre !!!
Des personnes qui ont investi dans ce système assurent avoir effectivement perçu les rémunérations promises. Ce qui est plausible vu que les autorités avouent n’avoir reçu aucune plainte des adhérents.
Ni banques, ni bourses, ni microcrédits
D’abord l’un des problèmes de ces établissements d’agribusiness, c’est que même les régulateurs du secteur économique et financier, notamment le ministère de l’Economie et des finances, ne savent pas dans quelle catégorie les classer. En effet, ces entreprises qui collectent des sommes estimées à des dizaines de milliards FCFA ne sont ni des banques, ni des établissements boursiers, encore moins des établissements de microcrédit, de sorte que les autorités ne peuvent contrôler l’utilisation des sommes récoltées.
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Selon certaines indiscrétions, avec des dizaines de milliers de souscripteurs, l’on devait apercevoir dans les zones rurales du pays des étendues de champs de tomates ou autres produits agricoles à perte de vue, ce qui est encore loin d’être le cas, notamment dans les localités de Bocanda et Didievi (centre du pays) ou certaines entreprises soutiennent avoir installé leurs fermes, à en croire le confrère du site la diplomatiquedabidjan.
«Aucune visibilité»
C’est pour tenter d’y voir un peu plus clair que le gouvernement ivoirien a mis en place, en début de mois, un groupe de travail pour mener des investigations. «Les conclusions partielles des travaux de ce groupe laissent entrevoir l’existence de risques réels liés à ce type de financement. Aussi, dans l’attente des conclusions définitives de l’étude et vu l’importance des flux financiers en jeu, le gouvernement appelle les populations à faire preuve de vigilance pour tout acte d’investissement et de placement de capital de ce type», a alerté ce mercredi Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement .
«Il font appel à l’épargne des citoyens … et il y a une absence de visibilité sur les risques que ces structures font prendre aux populations, c’est pour cela que nous appelons à la vigilance», a-t-il insisté.
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Les autorités s’interrogent notamment sur les raisons pour lesquelles ces entreprises ne sollicitent pas directement des établissements financiers (qui ont les moyens d’étudier dans le détail leur modèle économique) pour lever les fonds nécessaires à leurs investissements et préfèrent se tourner vers l’épargne des populations.
Pour l’heure, les personnes rencontrées au siège du groupe Agronomix ce jeudi, nous ont toutes assuré avoir intégralement perçu leur mise ainsi avec les rendements promis. Et d’autres ont même affirmé avoir réinvesti leurs fonds sur des projets pluriannuels encore plus rentable. «J’ai investi depuis 2015, j’ai effectivement perçu les rémunérations promises et j’ai à nouveau réinvesti une partie de mes gains», nous a relaté «Jacques», un souscripteur quelque peu inquiet qui préfère garder l’anonymat vu la tournure des événements.
Au niveau de l’administration, on promet de communiquer plus tard sur la question.
Placement d’argent?
Le phénomène n’est pas sans rappeler le système de placement d’argent qui avait défrayé la chronique dans le pays et ailleurs en Afrique au milieu des années 2000. Des pseudo cabinets financiers qui promettaient des retours sur investissement de plus de 200%, grâce à des placements boursiers en Europe notamment, étaient parvenus à convaincre des dizaines de milliers d’Ivoiriens de leur confier leur épargne. Les premiers souscripteurs avaient effectivement perçu les sommes promises avant que le système ne s’écroule de lui-même avec des dizaines de milliards de francs CFA volatilisés et des familles dans le désarroi.