Côte d’Ivoire: agrobusiness, un système qui a failli faire valser l’édifice financier

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Le 25/02/2017 à 09h40, mis à jour le 25/02/2017 à 11h05

Le phénomène des entreprises d’agrobusiness a mis en évidence le manque de réactivité des autorités face à une activité qui violait la réglementation en vigueur. Les risques encourus auraient pu être pire que la simple perte de capitaux des souscripteurs.

Dans un rapport publié fin janvier, les autorités relèvent que la collecte de fonds telle que menée par ces entreprises est en violation de la réglementation financière au sein de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Il en est de même des souscriptions effectuées hors de la zone.

Pire, le rapport évoque des opérations de blanchiment d’argent. «La collecte des fonds par les entreprises d’agrobusiness à travers des manœuvres frauduleuses (publicités mensongères, inexistence des plantations, taux d’intérêt proposé alléchant, utilisation déguisée des canaux bancaires, etc.) constitue une escroquerie au sens de l’article 403 du code pénal», note le document.

Ces fonds ainsi mobilisés et qui ont un caractère illicite sont réinvestis dans l’économie à travers la création de sociétés écrans, l’acquisition de sociétés, de biens meubles, d’immeubles d’unités industrielles et la participation à des œuvres caritatives, autres que l’objet annoncé à la souscription. Une stratégie adoptée en particulier par Monhevea.com, la plus importante de ces entreprises.

Pour les experts, le risque sur le secteur bancaire aurait été plus important n’eut été la vigilance des banques de la place. «Sur la base des sommes brassées, ces entreprises auraient pu solliciter et obtenir des prêts pour leurs supposés investissements, des prêts qui n’auraient servi qu’à alimenter ce système frauduleux. Et à terme, les banques auraient un volume important de créances douteuses, quasiment impossibles à recouvrer, ce qui constitue un séisme pour le secteur bancaire ivoirien, le plus dynamique de la zone», analyse Alain Teha, auditeur financier dans un cabinet d’expertise comptable.

Ces risques et les mesures gouvernementales prises pour mettre un terme au phénomène, les souscripteurs, eux, n’y accordent que peu de crédit et continuent d’exiger les RSI (les retours sur investissement) démesurés.

Au nombre de près de 37.000, ces derniers ont investi 66 milliards FCFA, soit 100,6 millions d’euros, pour des retours sur investissements attendus de 660 milliards de FCFA, un peu plus d’un milliard d’euros. Les actifs saisis de ces sociétés se chiffrent à 28 milliards FCFA, soit 42,7 millions d’euros, que les autorités comptent redistribuer au prorata des capitaux investis.

Pour l’heure, près de 20.000 souscripteurs se sont inscrits, alors que les premiers remboursements sont prévus à compter du 28 février.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 25/02/2017 à 09h40, mis à jour le 25/02/2017 à 11h05