Côte d’Ivoire–Crise postélectorale: vers une loi d’amnistie générale?

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Le 21/08/2017 à 14h49, mis à jour le 21/08/2017 à 15h09

Six ans après la fin de la crise postélectorale, la réconciliation reste au centre du débat des politiques en Côte d’Ivoire. Un groupe parlementaire a déposé une proposition de loi d’amnistie générale. Mais le succès d’une telle initiative, pouvant faire bouger les lignes, reste incertain.

La réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, une œuvre à parachever? C’est du moins ce que soutient l’opposition ivoirienne dans sa majorité qui continue de dénoncer une «justice des vainqueurs». En effet, six ans après la fin de la crise postélectorale, seuls des proches de l’ancien régime de Laurent Gbagbo ont fait l’objet de poursuite judiciaire alors que plusieurs rapports d’organisations internationales ont épinglé les partisans de deux régimes successifs pour avoir commis des actes graves durant la crise postélectorale qui a fait officiellement un peu plus de 3.000 morts.

Certes, les autorités avaient mis en place la CDVR, la Commission dialogue, vérité et réconciliation (qui a produit un rapport dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques) puis la CONARIV, en charge de l’indemnisation des victimes, mais la question d’une justice impartiale et équitable continue de diviser la classe politique. Pour l’opposition, à défaut de «juger tout le monde», il vaut mieux une amnistie générale afin de faire table rase sur les évènements de la crise et apaiser les ressentiments.

L’idée est prise à bras le corps par le groupe de parlementaire «Agir pour le peuple», composé de 9 députés indépendants, qui a déposé une proposition de loi devant le bureau de l’Assemblée nationale le 30 juin dernier et compte bien défendre son initiative. «Le destin des Ivoiriens est entre les mains des députés (…). Il faut mettre fin aux 25 années de crise politique et militaire que connaît le pays depuis la mort du président Félix Houphouët-Boigny», a confié ce 21 août Evariste Méambly au quotidien Soir Infos.

Déjà, le groupe a adressé des courriers à chacun des 225 députés du Parlement afin de faire un plaidoyer de son action. Ancien proche du régime de Laurent Gbagbo, Méambly qui a rencontré l’ex-chef d’Etat à la Haye le 24 juillet dernier soutient avoir obtenu sa caution. Mais il devra retrousser ses manches pour faire aboutir son projet.

Il peut compter pour ce faire sur deux autres groupes parlementaires indépendants, «Nouvelle vision» et «Vox Populi» de Yasmina Ouegnin qui compte chacun 9 députés. Tout comme ceux du groupe parlementaire de l’UDPCI, parti politique membre de la coalition au pouvoir dont le président, Albert Mabri Toikeusse, avait été éjecté du gouvernement à la veille des dernières législatives. Ce dernier a d’ailleurs indiqué être favorable à une amnistie générale visant également Laurent Gbagbo et son épouse Simone, dans une interview accordée à Jeune Afrique le mois dernier.

Reste la grande inconnue du couple RDR et PDCI qui revendiquent respectivement 129 et 89 députés dans une assemblée qui en compte 255. Pour le parti au pouvoir (RDR), la question est pour le moins taboue, sinon inenvisageable. Mais avec la liberté de parole d’un Guillaume Soro, le président du Parlement qui n’écarte plus un rapprochement avec des pro-Gbagbo pour la cause de la réconciliation, il n’est pas exclu que des députés du RDR fassent des infidélités au profit de leur mentor.

Quant au PDCI, le temps de l’idylle des premières années avec le RDR semble passé et le consensus dans l’action parlementaire n’est plus de mise. Les dissensions nées des divisions autour de l’alternance avec son allié pourraient bien se reporter sur le vote d’un texte qui, s’il parvenait à être adopté en plénière, ne fera que fragiliser (à son profit) le pouvoir d’Alassane Ouattara.

En juin dernier, la méga star du reggae Alpha Blondy avait lui aussi réclamé cette amnistie générale afin de sortir «des querelles idiotes» et appelé à poser «des actes politiques courageux» afin de tourner définitivement la page de la crise postélectorale.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 21/08/2017 à 14h49, mis à jour le 21/08/2017 à 15h09