Présidentielle en Côte d'Ivoire: qui est Alassane Ouattara, l'économiste de velours à la main de fer?

Le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara officiellement candidat à la présidentielle d'octobre 2020.

Le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara officiellement candidat à la présidentielle d'octobre 2020.. DR

Le 29/10/2020 à 08h39, mis à jour le 29/10/2020 à 17h12

Le président Alassane Dramane Ouattara, dit ADO, voulait laisser l'image d'un économiste bâtisseur et démocrate, ayant pacifié la Côte d'Ivoire après une longue crise meurtrière. Sa candidature à un troisième mandat controversé a abimé son image, l'opposition l'accusant d'être un "dictateur".

"On ne peut pas me dire que je suis un dictateur ! Je ne souhaitais pas faire un troisième mandat (...). Mais est-ce que j'avais le droit de mettre mon aura personnelle au dessus de l'intérêt de mon parti et de mon pays?", se défend-il.

En mars, il avait annoncé qu'il passait la main, pour se dédire en août après la mort de son dauphin désigné, son Premier ministre et ami Amadou Gon Coulibaly.

En dressant son bilan en mars, ADO en avait convenu : "Je n'ai certainement pas tout réussi, mais les résultats sont là (...) J'ai donné le meilleur de moi-même".

Il rappelle souvent qu'il a hérité d'un pays "en lambeaux", et se targue d'avoir "ramené la paix et la sécurité" et "remis le pays au travail".

Le président Laurent Gbagbo ayant refusé de reconnaître sa défaite dans les urnes en 2010, Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir par les armes, grâce au soutien de la rébellion du Nord, de l'armée française, ancienne puissance coloniale, et de l'ONU.

Il a hérité d'un pays scindé en deux depuis 2002, aux tensions intercommunautaires à fleur de peau, à l'économie minée par les violences et les sanctions internationales.

Cet ancien haut dirigeant du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a su, pendant ses dix ans à la présidence, jouer de ses relations avec les Occidentaux et les bailleurs de fonds pour attirer à nouveau capitaux et investisseurs.

Alassane Ouattara a ainsi transformé la Côte d'Ivoire, menant notamment une ambitieuse politique de grands travaux.

Image de technocrate

Mais ses détracteurs critiquent un "technocrate international sans âme", sans volonté sociale et ayant instrumentalisé la justice contre ses opposants.

Si la croissance économique est au rendez-vous, avec une moyenne de 7 à 8% par an depuis 2012, la pauvreté reste omniprésente et l'émigration clandestine vers l'Europe connaît ces dernières années une ampleur jamais vue.

Alassane Ouattara est aussi loin d'avoir jugulé la corruption, pourtant l'une de ses promesses de campagne.

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), Alassane Ouattara a accompli la majorité de sa scolarité au Burkina Faso voisin.

Issu du nord du pays majoritairement musulman, il a longtemps été le symbole de la crise identitaire qui a déchiré la Côte d'Ivoire.

"Ivoirité"

Marié à une Française, il entre en 1968 au FMI et devient en 1983 vice-gouverneur de la BCEAO, dont il sera plus tard gouverneur.

En 1990, il est nommé Premier ministre par le président Félix Houphouët-Boigny, fonction qu'il exerce jusqu'à la mort du "Vieux" en 1993.

Redoutant ses ambitions, le camp du nouveau président Henri Konan Bédié tente de prouver l'inéligibilité de Ouattara, accusé d'être d'origine burkinabè. Commence ainsi un débat empoisonné sur l'"ivoirité", un concept nationaliste qui a participé à la montée des tensions communautaires.

Lors de la présidentielle de 2000, la candidature de Ouattara est ainsi rejetée pour "nationalité douteuse".

Après un putsch manqué en 2002, la partition de la Côte d'Ivoire s'impose avec un Sud tenu par le camp du président Gbagbo et un Nord rebelle pro-Ouattara.

Sous la pression internationale, Laurent Gbagbo valide en 2005 la candidature Ouattara à la présidentielle, scrutin reporté jusqu'en novembre 2010 et suivi d'une crise qui fera plus de 3.000 morts.

Une offensive finale permet à ADO d'accéder au pouvoir le 11 avril 2011. Sa réélection triomphale en 2015 - plus de 83% des voix au premier tour - tranche l'incessant débat sur sa légitimité.

Sa candidature à un troisième mandat a une nouvelle fois brouillé les cartes.

"Le masque est tombé. Il se présentait comme un humaniste, un homme de paix, un haut fonctionnaire à l'occidentale qui voulait la démocratie... Il est comme la plupart de nos président africains, un chef qui veut garder le pouvoir pour son clan et qui n'hésite pas à réprimer pour se maintenir", affirme sous couvert de l'anonymat un homme du sérail passé dans l'opposition.

"Il se sacrifie. Vraiment, il ne voulait pas y aller mais certains d'entre nous lui ont forcé la main. Moi, je lui ai dit que j'arrêtais si c'était quelqu'un d'autre. C'est le seul capable de fédérer, le seul capable de mener le bateau", rétorque un ministre.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 29/10/2020 à 08h39, mis à jour le 29/10/2020 à 17h12