Gabon: Plusieurs chefs d'Etat attendus lors de la messe oecuménique en la mémoire de Omar Bongo

Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, lors des funérailles d'Edith Lucie Bongo à Rabat, entourés des deux enfants du couple.

Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, lors des funérailles d'Edith Lucie Bongo à Rabat, entourés des deux enfants du couple.. DR

Le 06/06/2019 à 16h33, mis à jour le 07/06/2019 à 18h33

Dix ans après la mort d'un des derniers dinosaures d'Afrique, Omar Bongo Ondimba, le Gabon, dirigé par son fils Ali, se débat entre crise économique et marasme politique. Une famille tient les rênes du pouvoir depuis plus d'un demi-siècle.

Une grand'messe œcuménique est prévue samedi prochain dans le luxueux palais présidentiel de front de mer à Libreville, pour commémorer le dixième anniversaire de la mort de "Papa" Bongo, décédé le 8 juin 2009 à Barcelone.

En attendant cette cérémonie, le lieu est déjà le siège d'un intense ballet diplomatique, avec la présence prévue d'au moins quatre chefs d'Etat ayant déjà été au chevet de Ali Bongo son fils, devenu qui lui a succédé, et qui a été victime d'un AVC à la fin 2018.

Il s'agit notamment de Macky Sall (Sénégal), de Faure Gnassingbé (Togo), d'Alassane Ouattara (Côte d'Ivoire), mais également d'Idriss Déby Itno (Tchad) qui est déjà passé à Libreville le 4 mai dernier.

Pour ce samedi 8 mai, Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée Equatoriale) et Denis Sassou Nguesso (République du Congo) sont également attendus.

Au-delà de l'aspect purement commémoratif du décès de ce grand chef d'Etat qu'a été Omar Bongo, Ali Bongo tentera de se refiare une légitimité politique et géopolitique personnelle. Evidemment, l'intense ballet diplomatique prévu pousse certains à esquisser une comparaison entre les faits et gestes du fils, d'avec ceux qu'eut, en son temps, son père. 

Immortalisé au sommet de sa gloire sur des clichés le montrant notamment avec un large sourire et portant des costumes années 1970, Omar Bongo était un stratège politique, un talent reconnu par ses partisans comme par ses détracteurs.

Passionné de projets pharaoniques dans son pays, il est arrivé au pouvoir en 1967 et s'y est maintenu jusqu'à sa mort, 41 ans plus tard avant que son fils Ali, grand amateur de disco et de belles voitures, ne lui succède.

Et à l'inverse d'un Omar Bongo adepte de scores sans appel, le fils -réélu en 2016 lors d'un scrutin controversé- n'a de cesse d'être contesté par une partie des Gabonais, opposants et fidèles à la mémoire de "Papa" Bongo.

"On a l'impression" que le pays "est totalement bloqué" et qu'il "navigue en eaux troubles", analyse le politologue gabonais Wilson André Ndombet. "Plus personne n'attend plus rien."

Cette situation, selon lui, ne s'est pas arrangée, avec l'accident vasculaire-cérébral du président Ali Bongo (60 ans) fin octobre 2018, qui "ajoute encore à la confusion" installée après la présidentielle de 2016.

Après cinq mois de convalescence à l'étranger, Ali Bongo est rentré le 23 mars à Libreville pour un "retour définitif", ne prononçant que quelques mots à son arrivée.

En attendant la présidentielle de 2023, les spéculations se multiplient sur le pilotage du pays et les rivalités supposées entre la famille étendue et les divers conseillers de la présidence.

En janvier, en pleine convalescence du président au Maroc, une poignée de militaires avait tenté un putsch, prenant possession de la radio nationale, appelant sans succès la population à se soulever.

- Période dorée, un souvenir lointain -

"Omar était le pharaon, c'était difficile de s'opposer au pharaon. Aujourd'hui vous opposer au régime, c'est vous opposer à Ali en particulier", lance un opposant gabonais, Serge Ntouda.

Outre la désignation de son fils pour prendre les rênes du pays, l'héritage politique d'Omar Bongo - pilier de la Françafrique et de la vie politique africaine - "c'est la paix", estime le maire de Bongoville, Jean-Paul Adiminga Kouna.

"C'est grâce à lui que nous avons la stabilité contrairement aux pays qui nous entourent", dit-il.

Dans les années 1970-1980, l'or noir coule à flot au Gabon, permettant à Omar Bongo de transformer son petit pays d'Afrique centrale en "émirat pétrolier". Mais la corruption se généralise, selon de nombreux observateurs.

Le président Omar Bongo, lui même, avait critiqué en 2007 "le clientélisme, l'affairisme, la corruption qui ont gangréné les pouvoirs publics".

A Libreville, aux trottoirs éventrés et immeubles décrépis, la période dorée du boom pétrolier semble bien révolue pour la majorité de ses habitants qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

"Le Gabon n'est plus ce qu'il était et c'est chaque jour de pire en pire", confie un chauffeur, Jean Ndong, 45 ans. "C'est de la faute d'Omar, si on en est là. Il n'a pas su investir l'argent du pétrole comme il faut."

Quelques navires pétroliers croisent encore au large de l'estuaire aux teintes bleues et grises de Libreville, touchée de plein fouet par la chute des cours du pétrole en 2014.

"Dix ans après sa mort, Bongo nous a laissés dans une économie extractive et de rentes dominée par le pétrole et par le bois", explique un économiste gabonais, Jean-Louis Nkoulou Nkoulou.

Depuis 2014, selon lui, les "recettes se sont effondrées, l'Etat n'a pas pris les mesures nécessaires assez tôt pour compenser cette baisse des cours (du pétrole) en relançant d'autres activités".

Omar Bongo, qui a eu 54 enfants reconnus, aura également laissé derrière lui une fortune estimée à plusieurs centaines de millions d'euros aux contours flous et dont la succession n'est toujours pas réglée.

"Chaque année, son absence se fait ressentir de plus en plus à mesure que la crise économique est plus forte", regrette amèrement un des ses fils, Anicet Bongo Ondimba.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 06/06/2019 à 16h33, mis à jour le 07/06/2019 à 18h33