Dans la cathédrale vide, l'archevêque de Libreville, Jean-Patrick Iba-Ba, officie la messe. "Avec des militaires qui nous encerclent, et des blindés qui circulent dans l'enceinte, il est clair que l’Église au Gabon est une Église persécutée", a-t-il lancé, sa mitre posée sur la tête.
Depuis mars, les lieux de culte sont fermés au Gabon pour lutter contre la propagation du coronavirus. Le 16 octobre, le gouvernement a allégé ces restrictions. Les églises et mosquées pourront rouvrir, à partir du 30 octobre, mais en respectant un protocole sanitaire drastique, avec notamment l'obligation de présenter un test Covid négatif avant d'accéder aux offices ou encore l'interdiction de la communion dans les cérémonies religieuses.
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L'archevêque de Libreville est passé outre, appelant ses fidèles à se rendre dans les églises dès le 25 octobre.
"Nous trouvons très difficile la mesure consistant à demander à nos fidèles de présenter un test négatif au Covid, désormais payant [le prix varie entre 5.000 et 20.000 FCFA, soit entre 7,5 et 30 euros, ndlr] et qui risque de créer une discrimination entre les moins nantis et ceux qui ont plus de moyens", ont estimé dans un communiqué commun plusieurs organisations chrétiennes.
-"Dialogue permanent"-
Un bras de fer s'est engagé entre les autorités catholiques et le gouvernement, alors que la présidence avait tenté de calmer le jeu en apparence.
"Il y a un dialogue permanent, on a déjà prévu un assouplissement du dispositif et nous prendrons d'autres mesures si l'épidémie continue de baisser", avait déclaré vendredi le porte-parole de la présidence dans une conférence de presse.
Mais les églises catholiques ont maintenu leur position. "Nos églises sont suffisamment grandes pour accueillir les fidèles dans le respect des gestes barrières", a plaidé auprès de l'AFP Serge-Patrick Mabickassa, porte-parole de l'archevêque de Libreville.
Devant la cathédrale, située à une centaine de mètres du palais présidentiel, les policiers ont bloqué l'accès tôt dans la matinée.
Vers 9 heures, une messe improvisée était célébrée devant l'édifice par deux prêtres en soutane. Un rassemblement d'une quarantaine de fidèles a été rapidement dispersé par les forces de l'ordre.
"Veuillez regagner vos domiciles, ne rentrez pas en confrontation avec la police", a lancé un colonel dans des haut-parleurs. Un véhicule blindé est rapidement arrivé sur les lieux pour disperser les fidèles.
- "deux poids, deux mesures " -
"Nous sommes face à un pouvoir qui ne respecte pas les droits de l'Homme", explique Julien Gnogni, fidèle de la cathédrale, qui pointe le "deux poids, deux mesures des autorités". "Au marché de Mont-Bouët, le plus grand marché de Libreville, les règles de distanciation sociales ne sont pas respectées, mais les autorités préfèrent fermer les églises", poursuit-il.
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Nathalie Mkoule, chapelet à la main, abonde. "Ma fille est en classe de troisième et ils sont soixante-quinze dans sa classe, alors qu'ils veulent limiter le nombre de fidèles à 30 dans les églises, cela n'a pas de sens", estime-t-elle.
Un vaste dispositif policier était déployé dimanche devant toutes les églises du Grand Libreville. Les rassemblements étaient interdits dans le périmètre de sécurité mis en place par les forces de l'ordre autour des églises. A la paroisse St Christophe d'Okala-Avorbam, un camion blindé et une dizaine de militaires faisaient face à une dizaine de fidèles, de l'autre côté de la rue.
A l’église Notre-Dame de Lourdes, le père Bertrand a tenu un office derrière la porte arrière de l’Église, surveillé par plusieurs policiers, a également constaté un journaliste de l'AFP. "On vous bénit et puis vous allez rentrer tranquillement pour ne pas faire de troubles", a-t-il dit en arrivant vers les fidèles. "Dimanche prochain, on sera ouvert" a-t-il promis.