Le Gabon face au défi de la gouvernance foncière et du logement

VidéoAu Gabon comme partout en Afrique, la gouvernance foncière reste au cœur des débats. Depuis toujours, l’obtention d’un titre de propriété revêt les allures d’un parcours du combattant, ouvrant la voie aux dérives en tous genres.

Le 19/10/2022 à 11h53

Selon les spécialistes en droit foncier, l’accession à la propriété foncière en République gabonaise est essentiellement régie par la loi du n°3/2012 du 13 août 2012 portant ratification de l’ordonnance n°5/2012 du 13 février 2012.

En règle générale, la procédure d'immatriculation foncière donnant droit à un titre foncier impose que le vendeur dresse une attestation de cession de parcelle signée par les deux parties: vendeur et acquéreur. Sans donc cette attestation, aucune régularisation foncière n'est légalement admissible. Mais même détenteur de cette attestation, Célestin Eyeghe, relève des difficultés au bout de la procédure.«Avoir un titre foncier, c'est vraiment compliqué. Parce qu'il y a beaucoup de corruption là-bas. Moi même j'en ai été victime. Puis, il y a un problème d'accès dans les zones où on veut construire. Il n'y a pas de route», regrette cet administrateur civil.

Toutes les villes du Gabon se sont développées sans obéir aux règles de construction, dans un alignement désordonné et sans respect des règles environnementales. Aussi, les terrains vendus anarchiquement favorisent les inondations entre autres.«La viabilisation de Libreville n'a pas suivi depuis des années. Elle a été faite au début des années 80. Aujourd'hui, c'est tout le monde qui construit à sa manière. Il n'y a même pas une politique d'architecture qui est proposée à sa population», constate Akoma Ekiègne, un fonctionnaire habitant le centre-ville de la capitale gabonaise.

Pour Chantale Biloghe, agent public de l'état, il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités afin que cesse le phénomène des constructions anarchiques: «Une ville ça se pense. Et lorsqu'on regarde notre ville, on a l'impression que les gens sont venus s'installer avant que l'Etat ne pense même à construire la ville», dit-elle avec amertume.

Dans ce désordre urbain, la puissance publique agit bien souvent à rebours des constructions. Des habitants se voient chassés brusquement de leurs terres par de nouveaux propriétaires fonciers, à qui l’État avait cédé le titre. Des plaintes d'expropriation inondent les administrations compétentes, parfois sans suite.

«J'ai fait toute la procédure administrative. J'ai rempli tous les critères, j'ai payé. Le ministre étant directeur à l'époque m'a demandé d'aménager le terrain. Il m'a fait une lettre de cession pour payer les taxes. J'ai payé les taxes. Aujourd'hui, ils ne veulent pas me donner ma décision. J'ai investi plus de 100 millions sur le terrain», s'indigne Eric Serges Boubala, présumé exproprié.

Comme des milliers d'autres usagers qui décrient les dysfonctionnements dans le règlement des litiges fonciers au Gabon, Eric devra encore prendre son mal en patience. Car à l'occasion de la Journée mondiale de l'habitat, le 10 octobre dernier, le gouvernement a pris de nouveaux engagements pour faciliter l'accès à la propriété aux populations en détresse.

«Le département dont j'ai la charge met au titre du Plan d'accélération et de la transformation (PAT) 2021-2023 des actions visant l'accès du plus grand nombre à la propriété et des régularisations foncières de masse. L'objectif pour mon département est de permettre aux populations locales et à toutes les personnes vivant sur notre territoire gabonais de bénéficier d'un logement décent et de garantir la propriété et d'assurer la sécurité foncière», avait a déclaré Olivier Abel Nang Ekomié, ministre gabonais de l'Habitat.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 19/10/2022 à 11h53