La situation au Mali, pays occupant une position centrale en Afrique de l’Ouest et frontalier de plusieurs Etats, suscite une vive inquiétude chez tous les analystes de la sous-région. La «guerre» contre les groupuscules djihadistes prend une dimension ethnique et cette évolution est lourde de dangers.
Les candidats à la présidentielle auront d'ailleurs du mal à se rendre dans toutes les régions du pays pour des raisons sécuritaires.
Après une série de tueries dans la région de Mopti (Centre du pays), de nombreux partis politiques mauritaniens, tous issus de la mouvance de l’opposition, ont publié des déclarations condamnant «des crimes odieux» et invité le gouvernement du Mali à prendre des mesures en faveur d’un arrêt immédiat des violences, tout en réclamant l’ouverture d’une enquête pour identifier les auteurs de ces exactions, qui devraient en répondre devant la justice.
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Echo identique dans les pays voisins. Barka Ba, journaliste sénégalais, chercheur en sciences politiques, note avec désolation dans un entretien avec le site d’informations en ligne «Dakaractu», que le Mali est en crise, car confronté «à une insurrection djihadiste face à laquelle il a du mal à apporter une réponse définitive. Si des mesures ne sont pas prises pour la circonscrire, ce pays, et au-delà, toute la sous-région vont vers une véritable spirale d’instabilité».
Poursuivant son analyse, Ba ajoute que «depuis quelques jours, des civils peuls sont victimes d’exactions dans le centre du pays, et les présumés auteurs de ces faits sont des chasseurs Dozos, bénéficiant de la complicité des forces armées maliennes. Une situation alarmante qui mérite qu’on s’y attarde.
Au-delà «d’une dangereuse escalade» ponctuée par «la découverte des charniers et des fosses communes» le recours aux milices Dozo et Dogon est une illustration de la faillite sécuritaire de l’Etat, dont la conséquence inévitable ne peut être qu’une aggravation du cycle de violence dont les victimes sont toujours les populations civiles au centre de toutes les attaques et représailles.
Risques de contagion
Cette confusion entre «Peuls» et «djihadistes» comporte de forts gros risques de contagion dans les autres pays de la sous-région, notamment au Burkina Faso et au Niger, qui pourraient se transformer en véritable poudrière en proie à une instabilité permanente.
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Cette crainte est fondée sur la création récente de l’Association pour la survie du Sahel (ASS), un groupe armé «composé de Peuls du Niger, du Mali et du Burkina Faso» de plus en plus actif sur les frontières des trois pays. Parfaite illustration d’une évolution périlleuse.
Ainsi «le danger aujourd’hui pour la sous-région est que les exactions contre les Peuls se poursuivent, que d’autres foyers de tension s’allument, car cela ouvre une véritable boîte de pandore».
L’analyste politique sénégalais invite les responsables et observateurs dans le Sahel à porter «une attention particulière à une sortie d’Aly Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale du Mali, qui ne peut être suspecté de parti pris communautaire.
Un homme ayant pris la pleine mesure du désastre qui s’annonce, avec le risque d’embrasser toute la sous-région, sous l’effet démultiplicateur des réseaux sociaux, des images insoutenables d’exactions contre des civils, chauffant les esprits au-delà des frontières».
Qui sont ces Peuls devenus djihadistes?
Le journaliste et chercheur en sciences politiques sénégalais déplore la tendance de plus en plus forte à l’amalgame entre Peuls et terroristes.
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Il ajoute cependant «il est vrai qu’on trouve de plus en plus de jeunes Peuls dans les groupes islamistes au Mali, dont certains se sont livrés aussi à de véritables exactions contre d’autres communautés, faits tout aussi condamnables».
Au-delà, Barka Bâ apporte un éclairage sur les raisons pour lesquelles le discours du prêcheur radical Hammadoun Kouffa, un des principaux lieutenants d’Iyad Ag Ghaly, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), trouve des oreilles intéressées chez certains jeunes Peuls.
«Ces derniers se considèrent comme des laissés pour compte de l’Etat malien dont ils ne remarquent la présence que par son côté oppresseur, avec la corruption des autorités locales, la faiblesse de l’appareil judiciaire et les extorsions venant des services des eaux et forêts dont ils se plaignent. Il faut noter que Hammadoun Kouffa était surtout populaire parmi les pasteurs peuls de la zone de Hayré et du Seeno, exposés à l’impact des changements climatiques».
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La zone en question se trouve dans le delta intérieur du fleuve Niger, cœur historique de la région traditionnelle du Macina, dont le chef terroriste Kouffa s’est parfois attaqué aux élites et aux imams.
Le vent de la haine ethnique au Sahel
Réagissant à ces développements désastreux au Mali, maître Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), opposition mauritanienne, écrit «qu’un très mauvais vent souffle actuellement sur le Sahel: celui de la haine interethnique.
En arrière-fond: la lutte contre l’insécurité, le terrorisme et l’électoralisme carnassier. Le centre de gravité est clairement le Mali, où s’applique la théorie du nid de frelons. Tous les extrémismes s’y sont donné rendez-vous. Et toutes les erreurs d’analyse des stratégies de l’antiterrorisme s’y épanouissent. Les contre-mesures et les frappes aveugles contre les groupes «djihadistes» vite identifiés à l’appartenance ethnolinguistique de leurs chefs ou de leurs combattants, font basculer la région dans la spirale de la guerre de tous contre tous, des petites gens contre d’autres petites gens, une guerre alimentée par des opérations spéciales de mains invisibles, mais identifiables».
Bref, le Sahel bascule dans la violence et ses dirigeants aiment se la raconter pour plaire à d’autres, tandis que meurt l’esprit de nos peuples sous la violence de la bêtise».