Celui qui avait été condamné à mort à deux reprises après sa chute et avait dit être, en tant que militaire, "préparé à l'idée de ne pas mourir dans son lit", s'est éteint chez lui alors que son pays, plongé depuis des années dans une profonde crise sécuritaire, économique et politique, vient de connaître son quatrième coup d'Etat depuis l'indépendance de 1960 et cherche à grand-peine les suites à donner au putsch du 18 août.
"Moussa Traoré est décédé ce jour à 12H05 chez lui à Bamako. Nous sommes vraiment en deuil", a dit à l'AFP son neveu Mohamed Traoré. Il n'a pas précisé les causes de sa mort. Un correspondant de l'AFP a vu près de chez lui un corbillard entouré de militaires emporter une dépouille.
Moussa Traoré, alors lieutenant, conduisait les officiers qui, le 19 novembre 1968, avaient renversé le président Modibo Keïta, au pouvoir depuis l'indépendance. Il était devenu président de la République un an plus tard.
Lui-même fut déposé le 26 mars 1991 par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Après une période de transition, la démocratie fut restaurée en 1992 avec l'élection d'Alpha Oumar Konaré en 1992.
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Entre-temps, ce vaste pays sahélien grand comme deux fois et demi la France, aura été dirigé d'une main de fer, sous le régime du parti unique.
Né le 23 septembre 1936 à Sébétou dans la région de Kayes (sud-ouest), Moussa Traoré était le fils d'un soldat de l'armée française dans laquelle il s'est engagé lui-même en 1954. Il sert en Guinée, en France, en Mauritanie ou au Sénégal.
Admis en 1960 à l'école d'officiers de Fréjus en France, il sort major de sa promotion, est nommé lieutenant dans l'armée malienne en 1964, puis instructeur de l'école interarmes de Kati jusqu'en 1968, année du coup d'Etat. Il sera promu colonel en 1971, général sept ans plus tard.
Les années Traoré à la tête du Mali sont marquées par les arrestations d'opposants, la répression des manifestations, les décès suspects comme celui de l'ancien président Modibo Keïta en détention, ainsi que les accusations de détournement, de l'aide internationale par exemple, qui rattraperont Traoré.
Une stature régionale
Elégant, souvent vêtu d'un boubou blanc ou bleu ciel, il est aussi connu pour son savoir-faire politique et diplomatique, qui aide à lui conférer une stature régionale.
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Il préside le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (1980-83), puis l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1988-89. Il joue un rôle important dans les crises sénégalo-mauritanienne et tchado-libyenne, ainsi qu'entre les parties belligérantes au Liberia.
En janvier 1990, il obtient un accord de paix avec la rébellion armée des Touaregs du Mali, auxquels il consent d'importantes concessions.
Mais en mars 1991, les militaires qu'il avait envoyés contre les manifestants pro-démocratiques se retournent contre lui et le renversent au cours d'une sanglante insurrection, qui fait officiellement plus de deux cent morts et un millier de blessés.
L'autocrate est alors emprisonné. Le 12 février 1993, il est condamné à mort pour "crimes de sang". Le président Alpha Oumar Konaré, "hostile à la peine de mort" et désireux que "Moussa Traoré et ses amis vivent le plus longtemps possible pour qu'ils voient la démocratie fleurir au Mali", lui évite d'être exécuté.
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Sa peine est commuée en détention à perpétuité en décembre 1997. Mais il doit encore répondre de "crimes économiques", pour lesquels il est à nouveau condamné à la peine capitale en 1999.
Il est gracié en 2002. "Quand on a embrassé une carrière militaire, on s'est préparé à l'idée de ne pas mourir dans son lit", avait-il dit en entendant son premier verdict en 1993.
Ces dernières années, il était devenu une sorte de vieux sage que les politiciens allaient consulter. L'ancien Premier ministre Soumeylou Maïga (2017-2019) a exprimé sur Twitter "beaucoup de consternation" devant la mort d'un homme avec lequel il avait noué des "relations d'amitié et d'estime".
Aucune réaction de la junte au pouvoir depuis août n'a été rendue publique.