Mali. Terrorisme: la France affirme avoir tué le "chef militaire" du groupe de Iyad Ag Ghali

Le chef djihadiste Iyag Ag Ghaly, entouré de ses lieutenants, fête le retour des combattants libérés et demande à ses soldats de multiplier les prises d'otages qui sont beaucoup plus rentables que les attaques.

Le chef djihadiste Iyag Ag Ghaly, entouré de ses lieutenants, fête le retour des combattants libérés et demande à ses soldats de multiplier les prises d'otages qui sont beaucoup plus rentables que les attaques. . DR

Le 13/11/2020 à 07h59, mis à jour le 14/11/2020 à 10h38

La France a annoncé vendredi la "neutralisation" au Mali par sa force Barkhane d'un haut cadre opérationnel, décrit comme le "chef militaire" du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), dont le nom était associé ces dernières années à de nombreuses attaques dans la région.

La ministre des Armées Florence Parly a salué dans un communiqué une opération mardi engageant "d'importants moyens de renseignement ainsi qu'un dispositif d'interception composé d'hélicoptères et de troupes au sol" conduisant à une frappe contre Ba Ag Moussa, décrit comme le "chef militaire" du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et un "cadre historique de la mouvance jihadiste au Sahel"

Ba Ag Moussa "est considéré comme responsable de plusieurs attaques contre les forces maliennes et internationales. Il était considéré comme l'un des principaux chefs militaires jihadistes au Mali, notamment chargé de la formation des nouvelles recrues", selon le communiqué.

En juin, l'armée française avait tué dans une opération au Mali le chef historique d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Ams), Abdelmalek Droukdal. La victoire de prestige était indiscutable: l'Algérien était au coeur du jihad sahélien depuis plus de 20 ans. Mais il restait prudemment éloigné du terrain et sa mort n'a pas changé la donne sécuritaire.

Celle d'Ag Moussa, alias "Bamoussa", ancien officier de l'armée malienne mais aussi membre fondateur du groupe jihadiste Ansar Dine, semble être plus significative.

Ce Touareg, considéré comme un "terroriste" par les Nations unies et Washington, a été un acteur majeur des différentes rebellions touareg des années 1990 et 2000. Réintégré dans l'armée en 1996 puis en 2006, il avait fait défection à chaque fois pour reprendre les armes: vers la rébellion la première fois, puis vers le jihadisme à l'aube de son expansion dans la région en 2012.

Selon le think-tank Counter-Extremism Project (CEP), "Bamoussa" était devenu en 2017 "le dirigeant opérationnel" du GSIM dirigé par le chef touareg malien Iyad Ag Ghaly. Le groupe est devenu depuis l'une des principales forces jihadistes au Sahel avec son ennemi intime, l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS).

Tous deux, par ailleurs en lutte armée l'un contre l'autre, sont depuis des mois les cibles prioritaires de Barkhane (plus de 5.000 soldats) et de ses alliés régionaux.

"On ne peut pas dialoguer"

Ag Moussa était considéré comme le responsable d'attaques majeures contre les forces maliennes, dont une en juillet 2016 et l'autre en mars 2019, qui avaient fait plus de 20 morts chacune. Et son nom revenait avec insistance dans plusieurs attaques en 2020.

Mais il jouissait aussi d'une immense popularité auprès des Touareg qui dépassait largement ses appartenances au GSIM. "Ba Ag Moussa est moins vu (par les communautés touareg, NDLR) comme jihadiste que comme un leader historique de la contestation touareg", a ainsi expliqué à l'AFP Ferdaous Bouhlel, chercheuse associée à l'université de Tours (France), experte en médiation.

Début 2020, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta avait admis vouloir discuter avec les groupes jihadistes et avoir envoyé des émissaires en direction de deux de leurs principaux chefs, Iyad Ag Ghaly et le prédicateur peul Amadou Koufa.

Depuis, M. Keïta a été renversé en août par une junte militaire. Lors de la visite à Bamako fin octobre du chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, avait défendu "la nécessité d'une offre de dialogue avec les groupes armés" jihadistes au sein du "dialogue national inclusif", vaste concertation nationale tenue fin 2019.

Mais Paris ne bouge pas de sa ligne militaire. "On ne peut pas dialoguer avec les groupes jihadistes qui n'ont pas renoncé au combat terroriste", a récemment déclaré Florence Parly à l'AFP. "C'est de la responsabilité des autorités maliennes, pas la nôtre, mais il est important d'échanger".

Cette dernière frappe confirme à tout le moins que l'option militaire demeure privilégiée par la France, qui avait annoncé ces derniers jours des opérations distinctes contre le GSIM et l'EIGS, en revendiquant la neutralisation d'une petite centaine de jihadistes.

"Il est clair que ce coup contre le (GSIM) est une façon de marquer l'opposition de la France à ces éventuelles négociations", estime un analyste malien bon connaisseur du dossier, qui requiert l'anonymat. "Cela retardera d'éventuels pourparlers, parce que leurs responsables ne se mettront plus facilement à découvert".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 13/11/2020 à 07h59, mis à jour le 14/11/2020 à 10h38