Hier, mercredi 26 mai 2021, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est penché sur les récents évènements au Mali. Le communiqué, diffusé à l'issue de cette réunion à huis clos des 15 pays membres, ne fait mention d'aucun projet de sanctions, ni d'aucune condamnation ferme de la part de cet organe suprême des Nations unies de ce qu'il est permis de qualifier de coup de force.
Au lieu du Conseil de sécurité, la condamnation est venue de la mission locale actuellement au Mali, ce qui témoigne plus d'une prudence que d'une volonté réelle de condamnation.
Ainsi, peut-on lire dans le communiqué de presse que : "La Mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA, s’est jointe à des partenaires internationaux pour condamner la «tentative de coup d’Etat» de lundi".
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Et d'ajouter: "Ils (la MINUSMA et ses partenaires, Ndlr) ont exigé la libération immédiate et inconditionnelle du président Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane et ont souligné que les «éléments militaires» responsables de leur détention seront tenus «personnellement responsables» de leur sécurité".
En somme, le Conseil de sécurité qui s'est réunie surtout à l'initiative de la France a préféré y mettre la forme, mais s'est montré plus que conciliant. Cette attitude montre bien que les autres pays membres n'ont pas suivi l'Hexagone dans son attitude va-t-en guerre contre les militaires. C'était attendu pour plusieurs raisons.
D'abord, il y a l'exemple récent de l'adoubement de Mahamat Idriss Déby Itno par le président français, Emmanuel Macron, qui est allé assisté aux funérailles du Maréchal du Tchad. Cela place la France dans une situation inconfortable pour faire condamner par les Nations unies une prise de pouvoir par les militaires au Mali.
Ensuite, l'opposition récente en Centrafrique entre l'ancienne puissance coloniale et la Russie dont les troupes maintiennent actuellement la paix à Bangui, prédisait un manque de consensus sur le cas malien. Or, il suffit d'un simple véto d'un membre permanent pour qu'il ne puisse pas y avoir de condamnation venant directement du Conseil de sécurité.
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Il a donc fallu se contenter d'une condamnation a minima émise par une mission des Nations unies dépêchée au Mali et qui se range derrière la CEDEAO, quand il s'agit de diligenter des négociations pour une sortie de crise.
Certes, il est possible que, de manière individuelle, les pays occidentaux prennent des sanctions ciblées contre Assimi Goïta et ses hommes, comme ils ont menacé de le faire. Cependant, la prudence doit être de mise. Autant il a fallu veiller à ne pas déstabiliser le Tchad, autant pour le Mali aussi, il faut prendre la mesure de la gravité de la situation.
Car, c'est vouloir se débarrasser coûte que coûte de Mouammar Kadhafi en 2011 qui a mené le Sahel dans la situation d'instabilité actuelle, où les terroristes font leur loi, tuent des centaines de civils et menacent de prendre le contrôle ou au moins de perturber l'exploitation des matières premières de la région. Pour l'or, c'est déjà fait. Ils ont déjà tué des mineurs au Burkina Faso et ils rançonnent les exploitants artisanaux ou rachètent leur production à vil prix. Pour l'uranium, ressources autrement plus stratégiques, c'est un peu plus compliqué pour les terroristes, mais la même situation pourrait aussi se produire.
Par ailleurs, quand on y regarde de près, il y a lieu de constater une certaine indélicatesse de la part du président Bah N'Daw et de son Premier ministre, qui ont fait l'objet de critiques. Par exemple, il leur a été reproché d'avoir voulu écarter, vaille que vaille, le vice-président de la Transition, en l'occurrence, le colonel Assimi Goïta. La nomination du gouvernement, qui a vu le remplacement des ministres respectifs de la Défense et de la Sécurité sans consultation du vice-président, s'est faite en ne respectant pas la Charte de Transition, sur laquelle avait prêté serment le chef de l'Etat malien, Bah N'Daw.
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Des sources rapportent aussi que les deux hommes à la tête de l'exécutif malien, dans leur désir d'indépendance, avaient pris plusieurs décisions tendant à écarter Assimi Goïta et que cela a commencé bien avant la formation du nouveau gouvernement. Ainsi en a-t-il été pour le limogeage des directeurs du Pari mutuel urbain, du Trésor, du Budget et des marchés publics, sans avoir l'élégance républicaine d'en informer le ministre des Finances, Alfouseyni Sanou, pour la bonne et simple raison que c'est un proche d'Assimi Goïta.
Evidemment, il est légitime qu'un président civil, fut-il de Transition, et qui est supposé être le chef suprême des armées, veuille prendre son indépendance vis-à-vis des ex-membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Mais, la politique, dans le contexte malien, ne suppose pas seulement légitimité. Il faut beaucoup de tact pour mener la Transition à bon port.
Pour leur part, les militaires maliens ne sont pas exempts de reproches, pour n'avoir pas voulu rentrer dans leurs casernes ou aller au front et défendre l'intégrité territoriale du pays. Néanmoins, ils ont montré qu'il avait ce tact qui a fait défaut à Bah N'Daw et Moctar Ouane.
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L'épilogue de cette crise de la Transition malienne qui a mené à la démission de Bah N'Daw aura le mérite de montrer plusieurs choses. D'une part, une cohabitation entre les civils et militaires est une gageure. D'autre part, les colonels de Kati ne renonceront pas à prendre part à cette Transition, surtout après qu'au Tchad, l'Union africaine, la France, la Cemac et la communauté internationale toute entière ont laissé s'installer un régime militaire pour une transition.
Et enfin, ramener un nouveau chef de l'Etat civil, voire un autre gouvernement, retardera davantage la transition qui disposait initialement d'un délais de 18 mois pour organiser des élections. Il faut que le pragmatisme de l'ONU aille jusqu'au bout et qu'au plus vite, les 121 membres du Conseil national de transition, qui joue le rôle de Parlement, se réunissent pour donner pleins pouvoirs au vice-président de la Transition pour la formation d'un nouveau gouvernement.