Qui est donc Nkosazana Dlamini-Zuma qui s’oppose tant à la volonté du Maroc de rejoindre l’Union africaine? En tant que présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), l’organe administratif de l’organisation panafricaine, elle est censée s’occuper des affaires courantes de l’UA, tout en étant sous la tutelle du Président en exercice. S’il s’agissait d’un Etat, on pourrait dire que la Commission de l’Union africaine en est le gouvernement et que sa présidente est le Premier ministre.
D'abord le mic-mac
Au sein de la commission, siègent 10 commissionnaires qui seraient les ministres de l’Union africaine en charge de portefeuilles biens définis. A titre d’exemple, l’Algérien Ramtame Lamamra, est à la tête du Conseil Paix et sécurité. Pour la petite histoire, depuis la création de l'Union africaine, l'Algérie ne veut pas lâcher ce poste. L’Egyptienne Elham Mahmoud Ibrahim est la commissionnaire, donc la ministre des Infrastructures et de l’énergie.
L’ensemble de ces commissionnaires ainsi que la présidente elle-même restent sous la tutelle du Président en exercice. Donc, théoriquement, Nkosazana Dlamini-Zuma ne peut s’opposer à la volonté de la majorité des pays, autrement dit à la volonté du sommet de chefs d’Etat. Pourtant, c’est ce qu’elle est effectivement en train de faire, soutenant les manoeuvres algériennes et obéissant aux directives de son ex-mari, Jacob Zuma, qui l'a "imposé" à ce poste.
Mezouar s'indigne
Le ministère des Affaires étrangères marocain s’est fendu d’un communiqué mercredi pour dénoncer les manœuvres de la présidente de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. Cette dernière veut tout faire pour empêcher l’adhésion du Maroc à l’Union africaine, contre la volonté de la majorité des pays membres. Selon la presse algérienne qui cite un diplomate, Dlamini-Zuma aurait exigé "un engagement par écrit par lequel il (le Maroc) accepte explicitement les valeurs et les principes de l’UA dont le respect des frontières héritées du colonialisme et la ratification de l’acte constitutif".
Selon le ministère marocain des Affaires étrangères, le royaume "dispose à ce jour, documents à l’appui, du soutien et de la pleine adhésion d’une grande majorité d’Etats membres, largement supérieure à celle requise par l’acte constitutif de l’UA. Ces membres ont d’ores et déjà communiqué à madame Zuma des lettres de soutien, formelles et juridiquement valides, à la décision du retour du Maroc dans l’Organisation panafricaine dès le prochain sommet''.
Peine perdue
Mme Zuma sait qu’elle n’obtiendra aucun document écrit allant dans ce sens. Elle sait également que le Maroc retournera dans l’Union africaine, vu la détermination des pays qui le soutiennent. Néanmoins, ces manœuvres n’ont qu’un but : retarder autant que possible l’examen de cette question par le Sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine, les 30 et 31 janvier prochain.
Commission de l'Union africaine: qui succédera à Dlamini Zuma?
Jacob impose Nkosazana
Pourquoi Dlamini Zuma se donne tant de mal? Pour comprendre l'attitude de la dame Zuma, il faut revenir à son parcours. En plus d’être la première femme de Jacob Zuma, actuel président controversé de l'Afrique du Sud, Nkosazana Dlamini est une militante de la première heure de l’ANC. D’abord, elle a été imposée par Jacob Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine, alors que les 5 plus gros contributeurs dans le budget de l’organisation s’étaient gardés jusqu’ici de briguer le poste. Ces pays, en l’occurrence, l’Algérie, l’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Angola et le Nigeria, contribuent à hauteur de 60% dans le budget -cotisations des membres uniquements- de l'UA, 66% avant 2016.
Union africaine: les soutiens du Polisario financent 25% du budget
Chose inédite Il y a eu une passe d'armes, entre la France qui voulait que soit réélu Jean Ping et l'Afrique du Sud, selon la presse sud-africaine. Ce que démentira plus tard Jean Ping. Mais quoi qu'il en soit, c'est Nkosazana qui a fini par passer. Pour Jacob Zuma, Jean Ping n'avait pas suffisamment défendu la position africaine concernant les dossiers de Kadhafi et de Laurent Gbagbo. D'ailleurs, lors de son voyage en France, les indiscrétions ont laissé entendre que Zuma avait dit à François Hollande de "laisser les Africains s'occuper eux-mêmes des affaires qui les concernent".
Son parcours avant la Commission de l’Union africaine est très riche. Pendant 18 ans, elle a été ministre sans discontinuer dans les différents cabinets de Mandela, Mbeki et Zuma. Ainsi, de 1994 à 1999, elle occupe le ministère de la Santé, puis de 1999 à 2009, elle est à la tête des Affaires étrangères et enfin de 2009 à 2012, elle est ministre de l'Intérieur. C'est durant son mandat à la tête de la diplomatie sudafricaine que l'Afrique du Sud a reconnu la RASD en 2003.
Militante sous l'aile de Steve Biko
Elle a fait ses armes très tôt en politique, et comme tous ses camarades de l’ANC, la politique est avant tout une lutte permanente. Cela explique qu’elle épouse assez facilement la cause du Polisario, transposant la lutte menée dans l’Afrique du Sud de l’apartheid aux velléités indépendantistes d’un groupe largement minoritaire dans le Sahara marocain. Car, c’est là son erreur, elle ne connait que l’ANC. Rien d’autre.
En 1976 déjà, l’étudiante de 27 ans a occupé le poste de vice-présidente de l’Organisation des étudiants africains, l’aile estudiantine du Black Consciouness Movement (BCM) fondé par Steve Biko. Ensuite, elle connaîtra l’exil, en allant poursuivre ses études de médecine à Bristol, en Angleterre en 1978. Elle ne peut pas retourner en Afrique du Sud où les noirs sont victimes de la répression. Alors c’est au Swaziland qu’elle choisit de débuter sa carrière de médecin. Elle rencontre ainsi, à l’hôpital gouvernemental de Mbabane, Jacob Zuma qui deviendra son mari.
Oublié, le groupe de Casablanca
Celle qui est l’aînée d’une fratrie de huit enfants, fait donc partie de cette classe de dirigeants politiques de l’Afrique du Sud post-apartheid. Issus de l’ANC, ils gardent vivace le souvenir les liens qui unissent le Groupe de Casablanca. Ce fameux groupe sous l’égide du Roi Mohammed V qui a été le premier à appeler à l’indépendance totale du continent et qui était opposé au groupe de Monrovia regroupant jadis les Senghor et Houphouët. Entre temps, l'Algérie indépendante est devenu le soutien de l'ANC.
Sauf qu’ayant une mémoire courte, l’ANC semble avoir oublié que c’est le Maroc qui, le premier a soutenu, sa lutte bien avant l’indépendance de l’Algérie. Dlamini-Zuma était trop jeune pour s’en rappeler. Pourtant, Mandela l'a bien rapplé en recevant, avec tous les honneurs et en présence de tout le gotha de l'ANC, Dr Khatib en Afrique du Sud. Hélas, les héritiers de Madiba n'ont pas le sens de la modération.