Mauritanie: la demande marocaine d’intégration à la CEDEAO bien accueillie

Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEEAO).

Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEEAO).. DR

Le 25/02/2017 à 14h11, mis à jour le 25/02/2017 à 16h20

La classe politique et le milieu d’affaires mauritaniens accueillent positivement l’intention du Maroc d’intégrer la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cela d’autant plus que le retour de la Mauritanie au sein de cette institution est espéré depuis quelques années.

Moins d’un mois après son retour effectif au sein de l’Union africaine (UA), le Maroc a officiellement formulé une demande d’adhésion à part entière à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), un marché de 15 Etats –la Mauritanie ayant un statut d’associé- et d’environ 350 millions de consommateurs.

La classe mauritanienne salue cette démarche comme découlant d’une vision politique et économique éclairée, par rapport aux intérêts du royaume, de la CEDEAO et toute l’Afrique, consciente que le développement du continent passe obligatoirement par une intégration renforcée des économies et par la suppression de barrières érigées par des micros Etats, dont les frontières ont été arbitrairement tracées à l’équerre et sur une carte suivant la volonté des anciennes puissances coloniales.

 

Ainsi, cette annonce a été positivement accueillie par les hommes politiques et les opérateurs économiques mauritaniens.

Pour Ahmed Ould Hamza, industriel, ancien président de la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN), le royaume du Maroc «est dans la dynamique d’une démarche constante et cohérente, à double dimension: politique et économique. Ainsi, le retour au sein de l’Union africaine (UA) en janvier dernier, dont la portée politique est énorme pour tout le continent est-elle suivie aujourd’hui d’une demande d’adhésion à la CEDEAO qui sonne comme un complément économique indispensable à l’acte posé récemment à Addis-Abeba. Par cette démarche, le Maroc, qui a beaucoup investi sur le continent au cours des 15 dernières années, plusieurs milliards d’euros, va renforcer son ancrage en Afrique et affermir la dimension de sa contribution historique à l’intégration et à l’unité du continent».

Quant à Yahya Ould Ahmed Waghef, leader du Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD-ADIL), ancien Premier ministre, il accueille la démarche marocaine avec enthousiasme. «Oui, j’ai appris la nouvelle. Une éventuelle arrivée du Maroc au sein de la CEDEAO est une excellente chose. Car le marché ouest africain gagnerait beaucoup de cette nouvelle configuration, qui impactera également positivement l’économie marocaine. J’ai toujours plaidé pour l’appartenance de nos Etats à plusieurs Communautés économiques régionales (CER), car commercialement, cela permettrait une plus grande intégration de nos marchés. J’espère que la démarche pertinente des autorités marocaines va inspirer nos dirigeants, sans toutefois être très optimiste quant à une telle perspective».

D’autres y voient déjà une motivation pour une intégration plus large épousant le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, pour Fatimetou Mint Khatri, ex-ministre de la Famille, de l’enfance et des affaires sociales, tout en saluant «l’importance et la pertinence de la démarche du Maroc», il «s’agit d’un pas indispensable vers une intégration de l’UMA et de la CEDEAO».

Comme bon nombre de Mauritaniens, elle explique aussi que les «responsables mauritaniens devraient réfléchir à un retour au sein de la CEDEAO, espace naturel de la Mauritanie avec lequel nous avons des intérêts énormes. Il faut d’ailleurs rappeler que même après le retrait formel et officiel de notre pays de la CEDEAO politique, les populations sont restées dans cette espace du point vu psychologie et dans leurs comportements. Les Mauritaniens vivent tranquillement au sein des pays frères membres de cette communauté, y mènent diverses activités et y gagnent honnêtement leur vie».

Ainsi, tout en saluant l’initiative marocaine d’intégrer la CEDEAO, hommes politiques et hommes d’affaires mauritaniens pensent également que les dirigeants devraient eux aussi être cohérents dans leurs démarches et rejoindre une communauté parmi les plus intégrées du continent dont la Mauritanie fut membre fondateur en 1975.

Toutefois, elle s’était retirée de la CEDEAO au début de l’année 2000. Le préavis de retrait transmis au siège de l’organisation à Abuja (Nigeria), informait du désir de Nouakchott «de concentrer ses efforts au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA) pour des raisons culturelles et aussi dans l’espoir que ses intérêts soient mieux protégés». Seulement, depuis sa création en février 1989, l’UMA n’est jamais allée au-delà des déclarations de bonnes intentions. Par ailleurs, le gouvernement mauritanien de l’époque avait également brandi l’argument de la perspective de la monnaie unique et la suppression des barrières douanières jugées non conformes à sa vision.

Seulement, en se retirant de la CEDEAO, «la Mauritanie laissait au Maroc et au Sénégal, nos voisins immédiats, la place de trait d’union dans le cadre de l’indispensable processus d’intégration des économies du nord et du sud de l’Afrique», note un haut cadre de l’administration publique.

Par ailleurs, de nombreux observateurs décelaient en arrière fond de l’acte posé par le régime de Maouya Ould Sid’Ahmed Taya au début des années 2000, des motivations communautaires et sécuritaires. Instruit par les exemples de la Sierra Leone et du Liberia, le pouvoir de l’époque semblait nourrir la crainte d’une éventuelle intervention de la CEDEAO dans les affaires d’un pays relativement fragile et sujet à des tensions communautaires récurrentes, dans un contexte communautaire acquis aux principes d’une démocratisation progressive des régimes autoritaires.

Il faut rappeler que la décision de retrait de la CEDEAO est intervenue dans un contexte marqué par des relations tendues avec le Sénégal lors des évènements de 1989 et des tensions sociales internes entre les composantes raciales en Mauritanie poussant le gouvernement mauritanien à se rapprocher davantage de l’UMA.

Toutefois, cette décision hâtive est décriée depuis lors par les opérateurs économiques mauritaniens. Les dirigeants actuels hésitent sur la démarche à entreprendre. Faute d’avoir le courage de demander une réintégration dans cet espace, ils sollicitent un Accord d’association dans la perspective de conclure un accord commercial comportant des concessions tarifaires et l’adhésion au protocole de la CEDEAO –tarifs extérieur commun et schéma de libéralisation des échanges.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 25/02/2017 à 14h11, mis à jour le 25/02/2017 à 16h20