Mohammed VI, le roi du Maroc, vient de boucler son périple africain (entrecoupé par la COP22 et l’organisation de l’African action summit) avec une visite historique d’une dizaine de jours au Nigeria. Ce périple l’a mené dans 6 pays: Rwanda, Tanzanie, Sénégal, Ethiopie, Madagascar et Nigeria.
Le bilan de cette tournée royale qui a touché, pour la première fois, des pays hors du «Cercle des amis du Maroc» de l’Afrique de l’Ouest et centrale est exceptionnel, aussi bien au niveau politique qu’économique. Ce sont 83 accords, conventions et mémorandums qui ont été signés lors des différentes étapes. Quant aux investissements, on les estime à plus de 6 milliards de dollars.
Mais au-delà, l’enjeu de ce périple s'avère avant tout diplomatique. D’ailleurs, cette tournée royale a été précédée par la nomination de nouveaux ambassadeurs dans 19 pays africains. Des diplomates qui sont chargés d’appuyer la nouvelle offensive politique et économique du royaume sur le continent.
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Il est ainsi utile de rappeler que cette tournée s’inscrit dans le sillage de la décision du Maroc de réintégrer l’Union africaine. Une décision prise et annoncée lors du 27e sommet de l’institution africaine à Kigali et soutenue par 28 pays africains qui ont réclamé l’exclusion du «Polisario». Et sur ce point, le royaume a marqué des points importants, au-delà de sa sphère de pays amis. Le retour du royaume au sein de l’Union africaine est désormais soutenu par les pays d’Afrique de l’Est visités à cette occasion, à savoir le Rwanda, la Tanzanie et l'Ethiopie. Jadis proches de la cause défendue par Alger dans le dossier du Sahara marocain, ces pays ont aujourd’hui et suite au périple royal, des positions moins tranchées.
C’est dans ce même registre que s’inscrit la visite historique du roi du Maroc au Nigeria. Une étape importante d'une dizaine de jours qui ouvre une brèche sur l’axe Alger-Abuja-Pretoria. Et pour cause, en lieu et place de la diplomatie "classique" à l’Algérienne, le souverain marocain propose la diplomatie–économique avec ses retombées positives sur des économies trop dépendantes des produits de rente.
Et à ce titre, le périple royal a été un franc succès. Ainsi, sur les 83 accords, conventions et mémorandums signés avec les 6 pays visités, quantité sont d'ordre économique. Il s’agit essentiellement de conventions visant à impulser les relations commerciales et les investissements entre le royaume et les pays africains. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les conventions de non double imposition, de promotion et de protection des investissement, de garantie des échanges commerciaux, de la création d’un fond d’investissements régional pour l’Afrique de l’Est, etc.
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Par ailleurs, pour les pays africains, le Maroc exporte son expertise avérée dans des domaines dans lesquels il a acquis une maîtrise certaine : l'agriculture, la pêche, les énergies renouvelables, l‘aérien, la formation professionnelle, etc.
De grands projets structurants
Reste que ce périple a été aussi et surtout marqué par des annonces de projets structurants pour le développement de l’Afrique.
Parmi ces nombreux mégaprojets, l'un concerne la réalisation d’une plateforme intégrée de production d’engrais en Ethiopie, nécessitant un investissement global de 3,7 milliards de dollars. Ce mégaprojet sera réalisé en deux étapes. La première devrait permettre à cette unité de produire jusqu’à 2,5 millions de tonnes/an alors que la seconde devrait porter cette capacité à 3,8 millions de tonnes d’engrais/an. Cette unité pourra ainsi subvenir aux besoins croissants de la région en engrais et contribuer au développement de l’agriculture éthiopienne.
Dans ce même volet, on signalera aussi le partenariat stratégique pour le développement de l’industrie des engrais au Nigeria. Outre l’accord entre le groupe OCP et Dangote Industries Limite d‘Aliko Dangote, l’homme le plus riche du continent africain, pour le développement d’une plateforme engrais au Nigeria et au Maroc pour un coût de 2,5 milliards de dollars.
Dans le même registre, l’entreprise marocaine, Marchica Med, fort de son expertise, a signé un mémorandum d’entente pour l’aménagement et la valorisation du Canal des Pangalanes, long de plus de 700 km, à Madagascar.
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Toutefois, le coup de génie de cette diplomatie-économique restera l’annonce du projet phare de «Trans african pipeline». Un projet très hautement stratégique devant relier sur 4.000 km le Nigeria au Maroc, via les pays d’Afrique de l’Ouest et devant permettre aux pays africains de la région d’approvisionner l’Europe en gaz via le gazoduc. Et le Maroc avait balisé le terrain en obtenant au préalable et en toute discrétion, l’accord de principe de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest qui seront traversés par le gazoduc et dont certains ont découvert récemment d‘importantes réserves de gaz. Ce projet de pipeline passant par l’Atlantique enterre le projet «Trans-saharien» devant relier le Nigéria à l'Algérie.
Des projets sociaux et religieux
Outre les projets structurants qui auront des retombées positives pour le continent, le périple a été marqué par le lancement de projets sociaux : logements économiques, hôpitaux, centre de formation professionnel, dons de médicaments, etc.
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Sur le plan religieux, on notera le lancement de la construction de la mosquée Mohammed VI en Tanzanie et l’octroi de plusieurs centaines voire milliers d'exemplaires du Coran aux dirigeants religieux des pays visités.
Une chose est sûre, 2016 a marqué le démarrage d’une nouvelle ère dans les relations multidimensionnelles liant le Maroc à l’Afrique subsaharienne avec une sphère plus élargie. Désormais, la voie du retour à l'Union africaine est balisée. Les grandes manoeuvres débuteront en 2017...