La tenue de la 4e édition d’Africa Security Forum, co-organisée par le Centre de recherches et d’études stratégiques Atlantis et le Forum international des technologies de sécurité (FITS), a pour thématique, en phase avec les préoccupations mondiales: «L’impact du changement climatique sur la sécurité en Afrique». Cette manifestation coïncide cette année avec la tenue COP 25 en Espagne.
L’événement est marqué par la présence d’environ 300 participants de 45 nationalités différentes, dont des responsables politiques et des experts en matière de sécurité et de l’environnement.
Le thème central a été décortiqué par des experts sous 3 angles: «Sécurité alimentaire et gestion de l’eau», «Accroissement démographique et développement agricole» et «Anticiper les solutions de demain».
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En effet, le changement climatique impacte la faune, la flore et les sociétés humaines. Cela est encore plus prononcée en Afrique où ces facteurs, conjugués à la raréfaction des ressources d’eau et à la pression démographique, offrent un terreau fertile au renforcement des flux migratoires, aux conflits autour des ressources entre communautés, notamment éleveurs et agriculteurs, voire entre nations, aggravant le problème de sécurité alimentaire. Cette situation risque de se corser davantage dans les années à venir si rien n’est fait au niveau mondial.
Ainsi, alors que le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation en Afrique est estimé à ce jour à 240 millions d’âmes, la hausse de température comprise entre 1,2 et 1,9 degré Celsius, à cause de la déréglementation climatique, pourrait faire exploser le nombre d’Africains sous-alimentés, qui augmenterait de 25% en Afrique centrale, 50% en Afrique de l’Est, 85% en Afrique Australe et 95% en Afrique de l’Ouest.
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Une situation qui ne manquera pas d’engendrer d’importants flux migratoires, principalement à destination des grandes agglomérations urbaines du continent, avec comme corolaires inévitables: chômage, violences, criminalité… Une situation déjà à l’origine des tensions communautaires dans de nombreux pays africains entre éleveurs et agriculteurs, comme l’a rappelé Driss Benomar, président d’Atlantis et de l’Africa Security Forum, ajoutant que «le changement climatique peut menacer la stabilité d’un pays».
Pourtant, l’Afrique n’est pas la cause de cette déréglementation climatique. Elle n’en demeure pas moins le continent le plus affecté, comme en attestent les sécheresses, les cyclones, les inondations…, qui ont tendances à se succéder ces dernières années à une cadence infernale, avec leurs corollaires de morts et de destructions.
Pour preuve, Jean Louis Borloo, président fondateur de l’association Energie pour l’Afrique a expliqué que l’émission de gaz à effet de serre, à l’origine d’une grande partie du dérèglement climatique, n’est pas africaine. Et pour le justifier, il explique qu’un Africain émet en moyenne 200 kg de CO2 par habitant et par an, contre 1 tonne pour un indien, 5 tonnes pour un Français, 9 tonnes pour un Allemand, 20 tonnes pour un Américain et 30 tonnes pour un Saoudien. C’est dire que les émetteurs sont d’un côté et ceux qui subissent, les Africains, de l’autre.
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Malheureusement, ce changement climatique et ses conséquences sont néfastes pour l’Afrique, et vont tout simplement se matérialiser par une croissance économique encore plus faible.
C’est ce qu’affirme Tanguy Gahouma Bekale, conseiller spécial du président de la république du Gabon, secrétaire permanent du Conseil national climat et directeur général de l’Agence gabonaise d’Etudes et d’observations spatiales (AGEOS). «La croissance des économies africaines est menacée par le changement climatique.
Conséquence: environ 2% du PIB du continent sont dépensés pour faire face au changement climatique». Une situation qui va handicaper le continent africain dans son développement.
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Pour lui, avec le changement climatique, le désert qui occupe actuellement le tiers du contient va croître et occuper un espace beaucoup plus large. Pire encore, cela s’accompagne d’une raréfaction de l’eau à cause de la baisse des précipitations.
Si on prend le cas du Maroc, les baisses des niveaux des pluies seraient compris entre 20 et 40% d’ici 2050, avec des sécheresses qui se succèdent à un rythme soutenu, contribuant au réchauffement de la terre.
Et la rareté de l’eau va avoir des conséquences sur l’agriculture avec une pénurie d’aliments poussant les populations à l’exode rural. Le niveau des barrages qui fournissent de l’électricité va également baisser à cause du manque d’eau. La rareté d’eau, a un impact sur la sécurité du fait de la militarisation de l’eau, l’augmentation des conflits entre éleveurs et agriculteurs et les tensions autour du partage d’une ressource de plus en plus rare, comme c’est le cas avec le fleuve du Nil entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan.
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Par ailleurs, le changement climatique va entraîner l’élévation des niveaux des océans avec un risque réel de déplacement des populations urbaines sachant que les grandes capitales africaines sont presque toutes construites les sur les côtes.
Les conséquences aussi bien internes qu’externes de ces déplacements seront à l’origine de flux migratoires vers le Nord, mais aussi vers des pays moins touchés par le changement climatique. Ainsi, un pays comme le Gabon, très faiblement impacté par le phénomène, faiblement peuplé et disposant d’importantes ressources pourrait être la destination
Partant, il faut agir et rapidement. En effet, si le statu quo persiste, l’Afrique ne pourra subvenir qu’à 13% des besoins alimentaires de ses habitants, au moment où sa population devrait atteindre les 2 milliards d’habitants à l’horizon 2050.
Bref, les prévisions sont alarmantes et l’insécurité menace de nombreux pays, notamment ceux du Sahel et du Lac Tchad.