Ahmedou ould Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères de Mauritanie, haut fonctionnaire à la retraite de l’Organisation des Nations Unies (ONU), qu’il a représentée dans de nombreuses régions et Etats du continent, prédit une extension de la crise du terrorisme du Sahel vers d’autres pays d’Afrique, dans une tribune publiée par Mondafrique.
Le diplomate, très au fait de la situation sécuritaire au Sahel, regrette une situation marquée par «un statu quo très coûteux» depuis 2005.
«L’extension des crises et des guerres vers les pays du Golfe du Bénin et de Guinée ne saurait tarder, il faut être aveugle pour l’ignorer. Les réponses nationales et internationales tardent à apporter des solutions durables à ces conflits. Face à ce statu quo toujours plus coûteux, faudrait-il continuer avec les mêmes méthodes de lutte contre la violence armée ou, au contraire, introduire de nouveaux acteurs et de nouvelles approches?», s’interroge l’envoyé spécial de l’ONU au Burundi.
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L’ancien haut responsable onusien rappelle que «depuis 2005, les prises d’otages au Sahel, libérés contre le paiement de rançons, y ont ruiné les industries touristiques naissantes. C'est-à-dire les infrastructures (routes, aéroports, hôtels), les activités commerciales (artisanat, cultures maraîchères, etc.), et les emplois locaux dans des régions désertiques».
Il note aussi que «le commerce Nord/Sud et Est/Ouest a été graduellement supplanté par des trafics bien plus juteux: êtres humains, migration irrégulière».
Une dégradation de la situation sécuritaire et économique devenue «un véritable défi pour les gouvernements. Elle est surtout une préoccupation de tous les jours pour des populations exposées à des menaces réelles contre leur vie et des activités déjà fragilisées par les mutations climatiques».
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Le marasme sécuritaire et économique ambiant frappe également les prospections géologiques et exploitations minières «gelées, ou n’opérant plus qu’au ralenti. Une évolution qui a naturellement des conséquences sur les recettes des gouvernements, les travailleurs et les communautés locales, offrant ainsi des contingents de mécontents aux groupes radicaux».
L’ancien chef de la diplomatie mauritanienne estime que «l’occupation du Nord Mali en 2012, avec la tentative d’y installer une autorité djihadiste a profondément changé la donne régionale. L’intrusion armée des combattants «islamistes» déterminés, a fait entrer le Mali et la région dans une nouvelle ère. La réponse de la France à certes sauvegardé l’unité du pays pour le moment. Cependant, la crise perdure en se métamorphosant et en développant des métastases dans plusieurs provinces du pays et dans les périphéries du Sahel».
Du coup, Ould Abdallah rappelle alors «la nécessité de la réponse militaire» pendant la période actuelle, même si elle ne saurait suffire toute seule.
Conflits complexes
De nos jours, ces conflits qualifiés «d’idéologiques, sont en réalité plus complexes, car les trafics en sont le plus souvent les principaux lubrifiants. De plus, après un règlement formel, ils ne disparaissent pas, continuant à générer une insécurité structurelle, qui même de faible intensité, décourage les investisseurs. D’où la nécessité d’un nouveau paradigme dans l’approche de la gestion des crises», poursuit-il. Partant, l’objectif recherché est alors «la maximisation du recours à l’expertise et à l’expérience du secteur privé en vue de contribuer davantage à la prévention et la gestion des nouvelles générations de conflit pervers».
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Au rang des remèdes pour la prévention de ces nouveaux conflits, Ahmedou ould Abdallah cite également «la recherche de l’information structurée, la veille sur Internet, les sites, la presse en ligne et les réseaux sociaux» qui peuvent servir de relais aux ministères des Affaires Etrangères, de la défense et de l’Intérieur.
Il faut une nouvelle forme de coopération «débarrassée de tous les stéréotypes» entre les gouvernements, le secteur privé national et les grandes multinationales pour mener ce combat.
Les préoccupations des pays du Golfe du Bénin et de Guinée, semblent parfaitement recouper les prévisions d’Ahmedou ould Abdallah. Ainsi, Ouagadougou abritait hier, mardi, une réunion des ministres des Affaires étrangères, de la défense et de la sécurité du Burkina Faso, du Bénin, du Togo et du Niger, avec l’objectif de trouver une parade face à la menace terroriste.