Entre gouvernance de régimes militaires d’exception et officiers recyclés dans la politique pour s’adapter à l’environnement international, depuis le 10 juillet 1978, la Mauritanie ne semble pas encore rompre avec les vieux démons.
Illustration avec ce discours du premier Ministre, Yahya Ould Hademine, en tournée «pour inaugurer des projets à caractère économique et social» dans les régions du Gorgol et du Brakna, au sud du pays depuis quelques jours.
S’adressant dimanche aux populations de Bourrat (dans le Brakna), le chef du gouvernement mauritanien a affirmé "vous avez le droit de réclamer un troisième mandat et d’exiger de l’actuel président de rester aux commandes du pays pour parachever la réalisation des projets déjà entamés".
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Parlant de l’opposition, qui rejette toute idée de 3e mandat, Yahya Ould Hademine a ajouté qu’il s’agit «d’une minorité extrémiste qui refuse de reconnaître les nombreux progrès accomplis sous le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz par mépris de l’actuel pouvoir».
En plus du Premier ministre et du porte-parole du gouvernement, qui apparaissent comme des multirécidivistes dans la revendication d’un troisième mandat en faveur de Mohamed Ould Abdel Aziz, de nombreuses personnalités de son entourage évoquent à mots couverts et parfois explicites, cette éventualité.
Confrontées aux réalités quotidiennes d’une période de soudure dans un triangle de la pauvreté habitué à la disette, les populations visitées au cours de ce périple ne manifestent pas un énorme engouement pour assister aux «prêches», du chef du gouvernement, selon plusieurs témoignages concordants.
Un constat en dépit duquel de nombreux analystes restent convaincus que le principe démocratique de l’alternance, introduit dans la constitution au cours de la transition 2005/2007, est aujourd’hui menacé.
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En effet, un démenti timide de Mohamed Ould Abdel Aziz, à l’occasion de la cérémonie de clôture du Dialogue national inclusif (DNI) de septembre-octobre 2016, n’a pas permis de dissiper les craintes par rapport aux risques de violations d’une constitution dont les dispositions verrouillent hermétiquement le nombre de mandats du président de la République à deux (2), sans possibilité de révision.
Le recours à un article 38 de la loi fondamentale, de portée générale, pour l’approbation d’un projet de révision constitutionnelle par la voie d’un référendum prévu le 05 août prochain, est le signe de la détermination de l’actuel chef de l’Etat à s’accrocher au pouvoir, selon de nombreux observateurs.
En effet, en Mauritanie, la procédure de révision constitutionnelle est régie par des dispositions spéciales prévues par le chapitre XI de la constitution du 20 juillet 1991 et ses textes modificatifs, notamment les articles 99,100 et 101, qui conditionnent sa validation à une approbation au niveau du parlement par une majorité qualifiée. Du coup, l’article 38 apparaît désormais comme un véritable sésame avec lequel tout devient possible.