La campagne pour les élections législatives, régionales et municipales prévues le 1er septembre prochain en Mauritanie, a été officiellement lancée vendredi. Mais pour le moment, elle ne mobilise pas les foules. Un constat expliqué par diverses raisons.
La particularité de cette nouvelle bataille électorale réside dans l’implication de l’opposition dite radicale. Il s’agit du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et du Forum national pour la démocratie et l’Unité (FNDU-vaste regroupement de partis politiques, organisations de la société civile, centrales syndicales et personnalités indépendantes), qui avaient boycotté les élections législatives et municipales de novembre/décembre 2013.
Signalons que le RFD, le FNDU et le Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD/Tawassoul) uncourant islamiste qui avait refusé la politique de la chaise vide en 2013, sont des entités traditionnellement dotées d’une grande capacité de mobilisation.
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Cependant, vendredi dernier, la foule n’était pas nombreuse à la cérémonie de lancement de la campagne électorale au niveau des états-majors politiques. A peine quelques centaines de responsables, cadres et militants avaient envahi le siège du RFD d’Ahmed ould Daddah, situé à l’Ilot, près de la présidence. Le public était plus important chez les islamistes de Tawassoul regroupés en face de l’ancienne Maison Jeunes de Nouakchott, sans cependant atteindre les niveaux habituels.
Constat identique dans les rangs de la majorité, notamment la grosse machine de l’Union Pour la République (UPR). Le parti présidentiel a donné le coup d’envoi de son show électoral au niveau de l’ancien aéroport de Nouakchott, en présence de Mohamed ould Abdel Aziz. Mais là également, l’assistance était visiblement moins forte que dans le passé.
Cette désaffection du public était particulièrement frappante au démarrage de la campagne de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), de Messaoud ould Boulkheir, ancien président de l’assemblée nationale. Ainsi, avec le franc-parler habituel qui le caractérise, le vieux leader haratin a exprimé sa profonde déception face un phénomène qui renvoie à l’érosion inexorable des rangs d’une formation de l’opposition historique «au discours devenu trop modérée ces dernières années», selon l’avis de nombreux observateurs.
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Au-delà de l’épisode du lancement de campagne, le manque d’intérêt persiste les jours suivants. On voit tout juste quelques tentes vides àTevragh-Zeina, un peu au Ksar. Mais dans les grands quartiers populaires à l’image de la Sebkha (banlieue Sud/Ouest), c’est le désert.
Explication par plusieurs facteurs
Face à un tel constat, les Mauritaniens avancent quelques explications parmi lesquelles l’approche de la fête de Tabaski - Eid El Kebir- qui préoccupe le grand public, dans un contexte de crise et de relative crise économique.
Mais pour de nombreux analystes, le mal est bien plus profond, dans un environnement ou la politique est devenue un moyen d’ascension sociale, avec une caste de courtiers tenant un otage tout un pays.
Moussa ould Hamed, ancien DG de l’agence gouvernementale d’information, intègre «les préoccupations matérielles liées à l’approche de la fête». Il ajoute cependant que «la véritable question de fond est liée au discrédit d’une classe politique qui ne fait plus rêver des citoyens désabusés par des promesses qui n’engagent que ceux qui écoutent les discours pendant la campagne électorale».
Un haut cadre, préférant rester dans l’anonymat, enfonce le clou «je n’ai même pas pris la peine de m’inscrire sur les listes électorales. Vous pouvez voter pour qui vous voulez, mais dans un cadre dépourvu de transparence, ils proclameront toujours la victoire des alliés du pouvoir». Cependant, pour Mohamed O. H, militant de l’UPR, «la campagne devrait prendre son rythme de croisière après la fête». En attendant, elle reste sans relief, insipide et incolore.