Dans une déclaration rapportée par quelques médias, et qui enflamme actuellement les réseaux sociaux, Mohamed Cheikh Ahmed Ghaouani a affirmé: "j’ai voulu un troisième mandat, mais Aziz a refusé".
Un peu trop désireux de montrer qu’il n’a pas l’obsession du fauteuil de président de la République, Mohamed Cheikh Ahmed ould Ghazouani, jusqu'ici ministre de la Défense, et candidat des partis de la majorité (y compris au sein de l’armée -c’est là un secret de Polichinelle), a tenu ces propos qui sont actuellement à l’origine d’un débat passionné et houleux sur les réseaux sociaux.
Cette déclaration qu'on lui prête est en effet de nature à jeter le doute sur la culture démocratique du candidat et les dispositions des hauts cadres issus des rangs de l’armée à respecter les dispositions de la constitution, laquelle limite l'élection à la magistrature suprême en Mauritanie à deux mandats successifs.
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"J’ai soutenu le dernier acte des députés pour un troisième mandat, mais le président a refusé et a tenu à quitter le fauteuil. Le communiqué du 15 janvier 2019 demandant la fin de l’initiative des députés nous a mis devant le fait accompli": voici donc la déclaration in extenso, reprise par certains médias, que l'on prête à ce candidat, grand favori du scrutin mauritanien.
Cependant, de nombreux analystes mauritaniens restent sceptiques par rapport à cette version des faits, à l’origine de l’arrêt de l’initiative des parlementaires en faveur d'un troisième mandat pour Mohamed Ould Abdel Aziz.
En accordant du crédit à cette thèse, on doit forcément s’interroger sur l’attitude de ce candidat. Dans la sphère privée, les propos de Ghazouani témoignent d’une fidélité sans faille qu'il voue à Mohamed Ould Abdel Aziz, son ami depuis 40 ans.
Mais une telle déclaration pose, de fait, un véritable problème par rapport à la gestion de la République et aux dispositions de la loi fondamentale, claires et sans concession au sujet de la protection du principe de l’alternance.
Ainsi, l’article 28 de la constitution mauritanienne de juillet 1991, amendée par voie référendaire le 25 juin 2006, affirme que "le président de la République est rééligible une seule fois".
L’article 29 ajoute qu'"avant d'entrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes : "je jure par Allah l’unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national".
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"Je jure par Allah l’unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution".
La question qui pose aujourd’hui porte donc sur les dispositions de ce candidat des partis de la majorité à respecter les règles constitutionnelles, une fois élu.
En tout état de cause, tout grand favori pour la présidentielle 2019, il lui faudra tout de même désormais tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler pour éviter des envolées à effet boomerang sur les réseaux sociaux.
Interrogation légitime après ces propos, manifestement de nature à jeter le trouble dans les esprits: Ghazouani, éminement présidentiable, respectera-t-il la constitution (et surtout son serment), une fois élu?