Mauritanie. Soutiens à Ghazouani: ambiance de fin de règne et retour des vieux réflexes

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Le 17/03/2019 à 13h44, mis à jour le 17/03/2019 à 13h47

La Mauritanie s’achemine tout droit vers une élection présidentielle prévue au mois de juin 2019. Une échéance capitale dans la perspective de laquelle le chef de l’Etat en exercice, Mohamed ould Abdel Aziz, est disqualifié par les dispositions de la constitution du 20 juillet 1991.

Du côté du président sortant, de l’armée et de tous les partis de la majorité, le choix du candidat est clair. «Le système» en place depuis le 10 juillet 1978 -date du putsch militaire qui a renversé le régime civil de maître Moctar ould Daddah- a en effet jeté son dévolu sur Cheikh Mohamed ould Ahmed Ghazouani, actuel ministre de la Défense, qui occupait le poste stratégique de Chef d’Etat Major Général des Armées (CEMGA), jusqu’à la fin du mois d’octobre dernier.

Déjà un énorme «trésor de guerre»

Dans ce contexte politique pré-électoral, s’engagent les grandes manœuvres habituelles et fleurissent les initiatives de soutien au candidat du pouvoir. Une gymnastique dont la finalité est d’assurer le bon positionnement des membres de la crème sociale.

Dans ce jeu, la première salve vient de l’ensemble tribal du candidat, les «Ideboussat» une communauté de l’Est du pays, fortement présente dans le commerce, les opérations de change et qui a étendu «ses tentacules» jusque dans les pays du Golfe à travers une diaspora très dynamique.

Une initiative grâce à laquelle la tribu a déjà mobilisé un important trésor de guerre estimé à plus de 1,2 de MRO (ancienne ouguiya).

Cette enveloppe provisoire devrait prendre encore du volume au cours des prochains mois.

Cette cagnotte est constituée par les contributions «généreuses» de plusieurs acteurs en vue, parmi lesquels certains auraient fait exploser leur compte en banque à hauteur de dons généreux de 50 millions de MRO, avec des pointes atteignant même 150 millions de MRIO.

Au chapitre des multiples initiatives de soutien exprimées ces dernières semaines, l'une dentre elles a particulièrement frappé les esprits.

Il s’agit de la démarche des ressortissants du Trarza (extrême Sud/Ouest du pays): cette région constitue le plus important réservoir électoral de la Mauritanie après l’agglomération de Nouakchott...

Manifestement désireux de respecter une espèce de «parallélisme des formes», les ressortissants du Trarza, qui avaient initié la première motion réclamant le troisième mandat en faveur de Mohamed ould Abdel Aziz, ont tenu à prendre les devants par rapport à toutes les provinces, pour adouber la candidature de Ghazouani.

Les autres régions devraient suivre le même «rituel» au cours des prochains jours.

En plus des terroirs de l’intérieur, des personnalités issues de tous horizons, des cadres et des partis politiques, jusque dans les rangs de l’opposition, déclarent quotidiennement leur «flamme» à la candidature du ministre de la Défense.

Dernier exemple en date, le soutien annoncé du Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL/opposition), le parti de l’ancien président, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi.

Constatant avec amertume l’échec du camp de l’opposition à trouver un accord pour une candidature unique, cette formation, actuellement dirigée par le député Yahya ould Ahmed Waghef, par ailleurs ex-Premier Ministre, a décidé de soutenir la candidature de l’ancien chef d'Etat major général des armées. Une démarché justifiée par le discours d’investiture «rassurant» de Ghazouani, prononcé le 1er mars dernier.

Il faut reconnaître que les Mauritaniens accordent une importance capitale à la proximité avec ceux qui exercent le pouvoir. Cette mentalité explique le fait que sur un plan historique, les militaires putschistes trouvent toujours des alliés au sein de la classe dirigeante. 

Pour bien se positionner, ces «mercenaires» de toutes les époques se livrent à des manœuvres visant à démontrer leur influence et leur contrôle sur d’importants groupes d’électeurs. Une force sur le terrain qui est parfois réelle et liée à divers facteurs historiques, économiques, sociaux et tribaux.

Cependant, ces prétentions peuvent parfois se limiter à du bluff. Une simple volonté de faire sentir son existence par des effets de manche sur un plan médiatique, de la part des acteurs qui ne drainent pas forcément de grandes foules.

Ainsi, on en voit de toutes les couleurs dans un exercice qui ressemble fort à un jeu d’influence, à la veille d’une échéance électorale capitale.

Perpétuation du même pouvoir

Expliquant ce phénomène, Moussa ould Hamed, ancien Directeur Général de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), décrit «un processus immuable depuis une quarantaine d'années, à travers lequel le même pouvoir militaire se renouvelle et se perpétue, grâce à des méthodes identiques, et avec les mêmes alliés, qui retournent leur boubou (la tenue nationale mauritanienne) pour désormais accompagner Ghazouani, après avoir loyalement servi Aziz».

Point de vue presque identique pour Omar ould Abdallahi, directeur de Publication de L’Authentique, qui note que «tous les soutiens historiques des régimes militaires et de démocraties autoritaires, sont résolument engagés aux côtés de Ghazouani».

Pour sa part, El Wely Sidi Haiba, relève une ambiance de fin de règne d’un homme et ses effets collatéraux: «ces jours-ci, la corruption s’accélère à un rythme sans précédent, et le prestige de l’Etat s’effondre, comme si la situation évoluait vers un changement profond, un renversement inéluctable. Les hauts responsables ne limitent plus leurs excès dans la mauvaise gestion des deniers publics. Ainsi, on assiste ces derbiers temps à des vagues de nominations dictées par le népotisme, le favoritisme, l’ingérence tribale et féodale», accuse-t-il. 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 17/03/2019 à 13h44, mis à jour le 17/03/2019 à 13h47